Nombreux sont encore les expatriés qui vivent en Espagne tout en recevant des aides de l’Etat français. Une fraude qui coûte cher aux finances publiques et qui devient une priorité dans un contexte où elles sont au plus bas.
Photos : Clémentine Laurent
Depuis deux ans maintenant, les autorités françaises ont engagé un tournant dans leur politique de lutte contre la fraude sociale. Dans leur viseur : les allocataires qui résident hors de France tout en continuant à percevoir des aides telles que le RSA ou l’allocation chômage.
Selon Bercy, le montant des fraudes détectées aux prestations sociales dépasse les 350 millions d’euros par an. Une part significative de ces irrégularités concerne des cas de fraude à la résidence : des personnes qui continuent de déclarer une adresse en France, mais vivent en réalité à l’étranger. L’Espagne, destination prisée par de nombreux expatriés, fait partie des pays les plus surveillés.
Car pour avoir droit à ces aides, il faut impérativement résider en France de manière stable et effective. Un séjour de plus de trois mois à l’étranger doit être signalé. Les contrevenants encourent, pour les plus chanceux, le remboursement total des allocations indûment perçues. L’Etat peut aussi leur appliquer une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 50 % des montants. Et si des poursuites judiciaires sont entamées, le fraudeur risque une forte amende voire, dans les cas les plus extrêmes, une peine de prison.
La technologie au service de la répression des fraudes
Pour contrer ces pratiques, l’administration française dispose aujourd’hui de nouveaux outils technologiques. Le plus emblématique est le webscraping : les services sociaux peuvent analyser les publications sur les réseaux sociaux afin de vérifier que les allocataires résident bien en France. Une story Instagram, une photo de voyage ou un post géolocalisé peuvent suffire à déclencher un contrôle.
À cela s’ajoute l’utilisation du Passenger Name Record (PNR), un fichier européen initialement destiné à la lutte antiterroriste, mais désormais mobilisé pour la détection de fraudes sociales. Ce dispositif permet d’accéder aux données des voyageurs aériens (noms, itinéraires, moyens de paiement) et ainsi de repérer les allers-retours suspects ou les séjours prolongés à l’étranger.
Enfin, les services de France Travail peuvent également consulter les relevés bancaires, notamment pour y repérer des transactions effectuées en dehors du territoire national. Ces dispositifs sont couplés à un traitement automatisé des données, basé sur le data mining, pour croiser les informations fiscales, sociales et administratives et détecter les incohérences. Le plan national de lutte contre la fraude, dévoilé par Gabriel Attal en mai 2023, prévoit une montée en puissance de ces contrôles, avec un accent particulier sur la coopération entre organismes publics et sur l’exploitation massive des données.
Ce qu’un expatrié français en Espagne doit savoir
Puis-je toucher le chômage depuis Barcelone ?
Non, sauf dans deux cas très encadrés : si vous partez chercher un emploi dans un autre pays de l’Union européenne pour une durée de trois mois (renouvelable une fois), ou si vous êtes détaché par France Travail avec un suivi spécifique. Sinon, toute résidence hors de France annule vos droits.
Dois-je prévenir la Caf ou France Travail ?
Oui, tout départ de plus de trois mois doit être déclaré. La non-déclaration constitue une fraude.
Quels contrôles peuvent être réalisés ?
Réseaux sociaux, données bancaires, fichiers de voyageurs… Les méthodes sont de plus en plus numériques et transversales.
Quels sont les risques concrets ?
Des milliers d’euros à rembourser, des pénalités, et une inscription dans les fichiers de fraudeurs de la Sécurité sociale.
