lundi 22 décembre 2025

Vivre dans le monde numérique : pourquoi la fluidité des services en ligne est devenue non négociable

Photo de Aleh Tsikhanau sur Unsplash

Barcelone s’est imposée comme l’une des capitales européennes des digital nomads, ces travailleurs à distance qui exercent leur activité depuis n’importe quel point du globe. Parmi eux, une communauté francophone bien visible : Français expatriés, Belges, Suisses romands, Québécois en quête de soleil et de cadre de vie. Leur point commun ? Un quotidien entièrement structuré autour d’outils numériques. Travail, paiements, démarches administratives, divertissement : tout passe par un écran. Pour eux forcément, comme pour d’autres, les frictions des services en ligne sont des irritants qu’il vaut mieux s’épargner.

Paiements entrants et sortants : la fluidité comme condition de base

Le quotidien d’un digital nomad implique presque toujours des flux financiers entre plusieurs pays. Facturer un client américain, payer un loyer à Barcelone, régler ses impôts en France : les allers-retours bancaires sautent les frontières. Les banques traditionnelles, avec leurs délais de virement de plusieurs jours et leurs frais de change élevés, peinent à répondre à ces besoins.

C’est précisément ce qui explique le succès des néobanques à l’image de Revolut, N26, Wise, etc. Ces applications permettent des virements instantanés et une gestion multi-comptes depuis un smartphone. Et surtout, elles sont imbattables sur le terrain des conversions de devises à coût réduit.

Bon nombre de nomades sont aussi adeptes des cryptomonnaies. L’Espagne offre d’ailleurs à ces actifs un cadre intéressant : les freelances ont la possibilité de se faire régler en bitcoin ou en stablecoins, à condition d’établir une facture en équivalent euros. Les cryptos peuvent être utilisées comme moyen de paiement dans les commerces physiques qui les acceptent, de même que les services en ligne.

C’est le cas par exemple des casinos en ligne. Ces plateformes, accessibles depuis un navigateur ou une application, proposent au grand public des jeux de table comme le poker et le blackjack, des machines à sous vidéo et quantité d’autres jeux. Un nombre croissant d’entre elles acceptent les dépôts en cryptomonnaies.

Le joueur s’inscrit avec une adresse mail, dépose de l’argent en cryptos, puis peut jouer immédiatement dans la foulée. Aucune vérification ne sera demandée, raison pour laquelle on parle alors de “casino sans KYC” (know your customer, la procédure standard de vérification). La vérification n’intervient qu’au moment du premier retrait de gains, ce qui fluidifie forcément l’expérience pour le joueur occasionnel.

Titres de séjour et autorisations administratives

Côté administratif, les attentes sont les mêmes, pour ce qui est de déclarer ses revenus à distance, renouveler un passeport, obtenir un justificatif de domicile, etc. Autant de démarches qui doivent pouvoir s’effectuer en ligne, sans déplacement physique.

L’Espagne a pris acte de cette réalité en créant, début 2023, un visa spécifique pour les nomades numériques dans le cadre de la loi 28/2022 sur les startups. Le dispositif s’adresse aux travailleurs à distance hors Union européenne : les salariés d’entreprises étrangères, les freelances, les entrepreneurs.

Les conditions d’accès sont assez souples, puisque le candidat doit justifier d’un revenu mensuel brut d’au moins 2 763 euros, soit le double du salaire minimum espagnol. Pour un couple, ce seuil passe à 3 797 euros ; et pour chaque enfant, il faut ajouter 346 euros. Un diplôme universitaire ou trois années d’expérience professionnelle sont également requis, ainsi qu’une assurance santé privée reconnue en Espagne.

Sur le papier, l’initiative est saluée. L’Espagne s’est d’ailleurs classée première du classement Global Citizen Solutions 2025 des meilleures destinations pour nomades numériques. Cependant, dans la pratique, les retours pointent des délais d’instruction frôlant les 45 jours ouvrés, parfois davantage, et une certaine inertie des services concernés, en ligne et physiques.

L’obtention du NIE (numéro d’identité d’étranger) et de la carte de résident peut s’avérer laborieuse selon les villes. La bureaucratie espagnole souffre encore de lourdeurs. À titre de comparaison, l’Estonie et son programme e-Residency, lancé dès 2014, restent souvent cités en modèle : création d’entreprise en ligne, signature électronique reconnue dans toute l’Union européenne, interface entièrement dématérialisée.

Se soigner à distance : un enjeu plus complexe qu’il n’y paraît

Quand on vit entre plusieurs pays, la question de la santé prend une dimension particulière. Comment renouveler une ordonnance française depuis Barcelone ? Vers qui se tourner en cas de fièvre persistante ou de rage de dents ? Le système de santé traditionnel, pensé pour des résidents sédentaires, montre vite ses limites.

La télémédecine offre une réponse intéressante. Des plateformes comme Doctolib, Qare ou Livi permettent de consulter un médecin généraliste ou spécialiste par vidéo, souvent dans la journée. Qare, pionnier français du secteur depuis 2017, revendique plus de 2 000 praticiens disponibles de 6 h à 23 h, sept jours sur sept.

D’ailleurs, plus de 11 millions de téléconsultations sont réalisées chaque année par les Français. Le médecin peut établir un diagnostic, délivrer une ordonnance et orienter vers un spécialiste si nécessaire.

Reste la question de l’assurance pour ces services en ligne. La carte européenne d’assurance maladie couvre les soins d’urgence dans l’Union… mais pas les consultations de routine ni les pays hors Europe.

C’est là qu’interviennent les assurances conçues pour les nomades. SafetyWing, créée par d’anciens travailleurs à distance, propose une formule à partir d’une quarantaine d’euros par mois, sans engagement annuel. Sa version complète, plus chère, inclut les visites de routine, la santé mentale et une couverture jusqu’à 1,5 million de dollars. D’autres acteurs comme Genki ou World Nomads ciblent le même public, avec cette volonté de fluidifier au maximum.

Quelques petites limites existent cependant. Certains médicaments disponibles en France ne le sont pas à Barcelone, ou nécessitent une ordonnance locale. Les délais de remboursement varient selon les assureurs. Et en cas de pathologie sérieuse, le rapatriement reste parfois la seule option. Pour un nomade, anticiper ces scénarios fait partie du quotidien.

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