« La réserve parlementaire, outil indispensable pour les associations des Français de l’étranger »

Tribune libre du sénateur Jean-Yves Leconte,  Sénateur des Français établis hors de France (PS). 

Lorsque j’ai été élu, au Sénat, en septembre 2011, j’ai été étonné de découvrir la pratique de la réserve parlementaire. Ceci pour deux raisons :

– d’une part, le rôle d’un parlementaire est de légiférer et de contrôler l’action du Gouvernement. À l’évidence, lorsque nous signifions au Ministère des Affaires étrangères ou au Ministère de l’Intérieur des propositions d’attribution de subventions, nous sortons quelque peu de notre rôle ;

– de l’autre, la réserve, en 2011, n’avait rien à voir avec ce que nous connaissons aujourd’hui. Les parlementaires bénéficiaient alors de montants très différents suivant leur « capacité d’influence » dans leur assemblée et leur groupe politique. Les montants pouvaient être très faibles ou dépasser le million d’euros. Leur affectation n’était pas publique, et les structures bénéficiaires des subventions ainsi que les sommes versées n’étaient pas publiés par les assemblées et très rarement par les parlementaires.

Dès 2012, la première année où j’ai pu bénéficier de dotation d’actions parlementaires, j’ai, pour ma part, publié chaque année la répartition de mes attributions. Rapidement, sous l’influence conjointe du Sénat passé à gauche, et de démarches judiciaires engagées pour demander plus de transparence dans l’attribution de ces fonds publics, l’ensemble des montants disponibles par parlementaire, et ce qu’ils avaient décidé d’en faire, sont devenus publics. Si le principe de la séparation des pouvoirs n’était pas pour autant mieux respecté, la transparence avait été établie.

Une fois fait ce rappel sur le principe et sur ce qui a récemment évolué, force est d’y adjoindre deux constats :

1) la réserve permet en effet d’accompagner des projets, de lancer des initiatives qui, à défaut d’un tel dispositif, n’existeraient pas. Je pense, pour ce qui concerne les Français de l’étranger, à l’accompagnement du développement de programme FLAM (surtout après la fin des subventions AEFE), d’aide aux « chartered schools », d’investissements pointus qui ne peuvent reposer exclusivement sur les frais de scolarité, à l’accompagnement des enfants à besoins particuliers, à l’action sociale par l’intermédiaire des OLES (Organismes Locaux d’Entraide et de Solidarité), à l’aide à des Alliances françaises ou aux sommes allouées pour répondre rapidement à une catastrophe naturelle (Equateur, Vanuatu…). Parfois, il est aussi possible d’encourager une cause importante (droits des femmes, asile, secours aux réfugiés, droit des étrangers, dialogue interculturel, formation…). Ces crédits représentent un complément indispensable à l’action de l’État. A l’étranger, cela permet de pouvoir disposer d’un montant proche de 3,5 millions d’Euros pour ces opérations représentant la somme des enveloppes des 23 parlementaires représentant les Français de l’étranger (autour de 150 000 Euros par parlementaire – 146 millions en tout sur une année pour l’ensemble des parlementaires). Ces attributions sont nécessaires face aux contractions des programmes 151 et 185 de la mission « Action extérieure de l’Etat » ;

2) les parlementaires tentent de contrôler l’exécution budgétaire du Gouvernement. Logiquement, le montant global du budget de l’Etat, près de 2000 fois le montant de la réserve parlementaire, mérite une égale attention. Les parlementaires n’ont pas à passer un temps important sur 0,05% du budget de l’état et à ne pas s’intéresser au reste… Mais nous devons aussi constater que c’est difficile. Lorsque je demande des informations au ministère des Affaires étrangères sur un certain nombre d’opérations immobilières à Vienne, à Amsterdam ou à Toronto qui représentent des dizaines de millions d’euros, on me balade ! Ce sont pourtant, de par ces opérations hasardeuses, beaucoup de moyens qui s’évaporent…

C’est pourquoi, à ce stade, il n’est pas inutile de conserver quelques moyens permettant d’agir rapidement et dans une transparence dont devraient s’inspirer les opérations de l’Etat.

La « réserve parlementaire » est en réalité un amendement du gouvernement voté par le Parlement au moment du vote de la loi de finances annuelle. Cet amendement recueille la ventilation par mission et programme des projets de subventions envisagées par les parlementaires. Lorsque la loi est votée, les parlementaires signifient alors leurs décisions d’attribution qui doivent respecter un formalisme spécifique à chaque mission.

Alors que la proposition initiale du Gouvernement était d’inscrire dans la loi organique à l’occasion des débats sur les textes relatifs à la confiance dans l’action politique, une déclaration selon laquelle ce type d’amendement ne serait plus voté, la proposition du Président de la Commission des lois du Sénat, complétée par amendement lors de la discussion en séance publique, est une manière de régler le problème en ne faisant plus dépendre les subventions d’une décision et d’une responsabilité dévolue à une seule personne. J’espère que l’Assemblée nationale conservera un mécanisme proche, qui permettra de répondre rapidement à certains besoins que nous rencontrons sur le terrain lors de nos déplacements à la rencontre des Français établis hors de France. Si l’on peut toujours s’interroger sur le respect du principe de la séparation des pouvoir, ces subventions restent néanmoins souvent nécessaires….


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