Elsa Artadi, mission : bloquer la Catalogne

PORTRAIT DE CAMPAGNE PAR NICO SALVADO, fondateur d’Equinox.

Elsa Artadi est barcelonaise et âgée de 41 ans. Elle reste encore peu connue du grand public. Pourtant elle a joué, dans l’ombre, un rôle majeur durant les semaines qui ont précédé la déclaration d’indépendance de la Catalogne et deviendra la pièce maîtresse de Carles Puigdemont dans la période compliquée qui suivra l’instable scrutin du 21 décembre.

Si Puigdemont arrive en tête lors de l’élection, il va réclamer d’improbables garanties pour que le gouvernement espagnol garantisse son retour sur le sol catalan et ainsi se faire investir officiellement président de la Catalogne sans passer par la case prison. Dans le cas où c’est la liste indépendantiste concurrente d’ERC qui passe devant Puigdemont, ce dernier compte refuser qu’Oriol Junqueras puisse se faire investir président, quitte à bloquer les institutions pendant de longs mois.

Contrairement à la France, où l’on élit directement le président, en Catalogne on vote pour les partis politiques. Les pourcentages de votes obtenus par chaque liste se convertissent proportionnellement en nombre de députés. Les 135 députés du parlement catalan votent ensuite pour le candidat à la présidence qui doit obtenir la majorité absolue pour être investi. Crédité d’au moins une trentaine de parlementaires dans les sondages, Carles Puigdemont pourra donc bloquer l’investiture du prochain président. La théorie de Puigdemont est simple : « le président légitime c’est moi car j’ai été destitué par un coup d’état de Mariano Rajoy, cette élection ne sert pas à élire un président mais à rétablir la démocratie en Catalogne. » La magie politicienne de Puigdemont réside dans le fait qu’il n’y ait pas de président en exercice. Si le leader d’ERC Oriol Junqueras sort de prison pour rentrer au Palau de la Generalitat, Puigdemont verrait son rôle disparaître. C’est ici qu’intervient Elsa Artadi.

Cheville ouvrière de l’indépendantisme

Économiste de formation, Artadi évolue dans les cercles de Convergencia (l’ancien parti d’Artur Mas) depuis 2011. D’abord en étant le bras droit du ministre de l’économie de l’époque, le très libéral Mas-Colell. Au sein du ministère, elle est à l’origine de la Grossa, cette loterie catalane qui devait concurrencer sa grande sœur espagnole.

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Durant la période de transition qui a suivi les élections de septembre 2015, Elsa Artadi a conseillé Artur Mas, pour finalement se rapprocher de Carles Puigdemont en étant nommée coordinatrice inter-ministérielle du gouvernement catalan. Une place stratégique qui lui a permis de gérer les moindres détails du processus indépendantiste dont elle fut une des chevilles ouvrières. Toujours du côté de Carles Puigdemont lorsque celui-ci s’affrontait durant des nuits entières avec ses frères ennemis indépendantistes d’ERC.

Blocage des institutions

Une fois passé le tsunami de la déclaration d’indépendance et la réplique de l’article 155, Elisa Artadi s’est convertie en porte-flingue sur le sol catalan de Carles Puigdemont exilé à Bruxelles.

Elle devient à la fois directrice de campagne de la liste du président déchu et bien placée pour devenir députée. Pour que personne ne puisse se faire investir président à la place de Puigdemont, c’est Artadi qui livrera bataille, à la fois en coulisses mais aussi dans les médias, car depuis le début de la campagne, la Barcelonaise prend bien la lumière des plateaux télés.

Blocage du parti

Le plan de Carles Puigdemont n’est pas seulement de bloquer les institutions afin de redevenir président mais aussi d’obstruer au maximum le PdeCAT, le parti d’Artur Mas, afin d’en prendre le contrôle. Le parti démocrate catalan (PdeCAT) est la mutation de la défunte Convergencia qui règne sur la Catalogne depuis 1981. Accablée par la corruption et afin de réussir le virage indépendantiste, l’ancienne Convergencia est devenue le PdeCAT.

Issu de Convergencia et donc du PdeCAT, Puigdemont n’est cependant pas fan de son parti et aimerait avoir une formation plus à son image. Frustrant les plans d’Artur Mas, il n’a pas voulu concourir aux élections sous la marque PdeCAT mais a sorti un nouveau nom au dernier moment : Junts Per Catalunya (Ensemble pour la Catalogne). Un concept par et pour Puigdemont.

La force du Pdecat réside dans son ancrage municipal. Historiquement issu de la Catalogne rurale, Convergencia/Pdecat détient actuellement à elle seule 437 maires sur les 947 communes que compte la Catalogne. Une force de frappe qui soutient activement Carles Puigdemont dans son périple bruxellois et qui explique en partie le succès de sa liste dans les sondages. Le président déchu qui est lui-même un ancien maire, celui de Gérone, ne trahira jamais ces élus locaux. Il aimerait en revanche les intégrer dans son mouvement Junts Per Catalunya en lieu et place du PdeCat. Puigdemont ne veut pas divorcer d’avec Artur Mas et de ses amis, il veut que Convergencia, qui s’est une première fois mutée en PdeCat, achève sa transformation en devenant Junts Per Catalunya.

Pour suivre Puigdemont, Elsa Artadi a claqué la porte du PdeCAT. Elle pourrait revenir pour mettre en demeure Artur Mas de transformer le parti en instrument sur le long terme pour Carles Puigdemont. La mission d’Artadi, en plus de bloquer les institutions catalanes, est de faire la même chose avec le parti. Traditionnellement mouvement de la bourgeoisie catalane, Convergencia/PdeCat ne dénoterait pas beaucoup avec Elsa Artadi, jeune fille modèle issue des quartiers chics des hauteurs de Barcelone.

N’en doutons pas un seul instant : l’influence du duo Puigdemont/Artadi dans la politique catalane ne fait que commencer.

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