Corruption: prison et amende record pour l’ancien parti d’Artur Mas

Convergència Democràtica de Catalunya, l’ancien parti politique d’Artur Mas écope d’une amende record de 6,6 millions d’euros pour une gigantesque affaire de corruption autour du Palau de la Música de Barcelone.

“CiU 3%” est un graffiti répandu dans les rues de Barcelone. Il fait référence à une interminable affaire de corruption liée au parti Convergència (CDC) connue sous le nom de l’affaire du Palau de la Música. Le parti, fondé par Jordi Pujol, aurait encaissé illégalement et pendant des années une commission de 3% en échange de l’octroi de marchés publics à différentes entreprises espagnoles. CDC se voit imposer une amende record de 6,6 millions d’euros. Le tribunal rend une sentence extrêmement sévère. Les avocats du parti espéraient une amende autour de 2 millions d’euros.

“Vous avez un problème qui s’appelle les 3%”

Le début du feuilleton médiatique de l’affaire des 3% a commencé il y a 12 ans, quand le 24 février 2005 l’alors président de la Catalogne, le socialiste Pasqual Maragall, lança à Artur Mas, chef de l’opposition: “vous avez un problème qui s’appelle les 3%”. A l’époque, le grand public n’avait jamais entendu cette expression des 3%. Il s’agissait d’un accès de colère du président Maragall pour mettre un coup de pression à son adversaire politique. Accusé de manquer de respect, le président Pasqual Maragall, avait dû rétropédaler et présenter ses excuses à Artur Mas.

Parallèlement au jeu politique, les propos du président Maragall ont déclenché le début du calvaire judiciaire du parti Convergència et d’Artur Mas.

48 mois plus tard, la période de 2009 fut compliquée pour Artur Mas et Convergència. La justice se penche cette année-là sur les opérations financières autour du Palau de la Música. L’affaire des 3% prend une dimension tentaculaire avec des opérations frauduleuses similaires concernant les marchés publics dans une série de communes catalanes: Lloret de Mar, Figueres, Sant Celoni , Sant Cugat del Vallès, Olot et Sant Fruitós de Bages, toutes gouvernées par Convergència. L’affaire se solde par de nombreuses peines de prison ferme pour les dirigeants de Convergència et la saisie juridique de différents sièges du parti.

Le procès dont le verdict vient d’être rendu a pour protagoniste principal Félix Millet, qui était directeur du Palau de la Música à l’époque des faits. Celui-ci admet rapidement sa culpabilité. Il aurait passé un accord avec le parquet pour “balancer” les responsables politiques du dossier. De fait, il reconnaît le système des 3%, avoue avoir utilisé l’argent des commissions, qu’il touchait aussi, pour faire des travaux et des achats personnels. Félix Millet charge les hauts responsables de Convergència, l’ancien trésorier et ancien ministre de la justice Germà Gordó. Félix Millet incrimine aussi directement Artur Mas alors secrétaire général de Convergència.

Vient ensuite le tour de Jordi Montull à l’époque directeur administratif du Palau de la Música. Il va encore plus loin que son ancien chef Félix Millet en déclarant cette phrase glaçante: “On ne parle pas de 3%, mais de 4% car Convergència voulait encaisser encore plus d’argent”. Il détaille l’opération: “Sur chaque appel d’offres qui passait par le Palau de la Música, Convergència touchait une commission de 2,5%, moi 0,5% et Millet 0,5%”. Directement accusé de plein fouet, Artur Mas nie formellement toute malversation et accuse Millet et Montull de “menteurs” et affirme que “leurs déclarations sont des inventions”. Le verdict est tombé aujourd’hui: Félix Millet, est condamné à 9 ans et 8 mois de prison et son bras droit Jordi Montull, à 7 ans et demi d’incarcération.

Conséquences politiques

Il y a deux ans, pour éviter que les ennuis judiciaires de CDC continuent d’empoisonner son parti, Artur Mas décide d’en changer le nom. Convergència est devenu: Partit Demòcrata Europeu Català (PDeCAT). Malgré une direction rajeunie et éloignée des affaires de corruption (Marta Pascal et David Bonhenvi), Artur Mas était toujours président d’honneur du PDeCAT, rattachant ainsi symboliquement les deux partis. Ce n’est plus le cas depuis une semaine: il a quitté la vie politique la semaine dernière.

Le PDeCAT qui était déjà dans une position financière délicate, suite aux mauvais résultats électoraux et à la perte de donations légales d’entreprises madrilènes du au processus indépendantiste, se retrouve dans le rouge. La principale source de revenus de PDeCAT réside dans son groupe parlementaire. Les députés, comme c’est le cas dans tous les mouvements, reversent une part de leur salaire au parti. Problème, les 34 parlementaires élus proches du PDeCAT sont sur une liste qui s’appelle Junts Per Catalunya. Une liste cousine du PDeCAT créé par Carles Puigdemont depuis Bruxelles. L’ancien président entretient des relations compliquées avec le PDeCAT. Le deal de départ était que le parti garde 100% des revenus car il a fourni toute la logistique matériele. Grisé par son succès, qui a obtenu un score supérieur aux résultats annoncés par les sondages, Puigdemont réclame maintenant 50% des revenus du groupe parlementaire.

Le parti de gauche indépendantiste ERC a déjà envoyé une pique à ses cousines du PDeCAT: « Notre parti a une histoire longue de 87 ans sans aucune condamnation judiciaire » se félicite le député républicain Gabriel Rufián.

La composition du nouveau Parlement à majorité indépendantiste aura lieu ce mercredi et la pression est au maximum.

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