Droite ou gauche : les partis catalans refusent de s’assumer

Opinion de Nico Salvado, fondateur d’Equinox 

La question qui fâche : l’indépendantisme catalan est-il de gauche, d’extrême-gauche ou d’extrême-droite? Son corollaire : l’unionisme est-il d’extrême-droite? Ce qualificatif d’extrême-droite ou de fascisme est généralement le point Godwin qui conclut toute discussion autour de l’indépendantisme sur les réseaux sociaux. Mais aussi dans les cercles politico-journalistiques.

Mardi dernier, Inès Arrimadas était en interview sur Equinox. Un échange tendu où la responsable de Ciutadans s’est énervée au micro d’Equinox, une interview  à écouter ici. En marge de cette interview, hors antenne, Inès Arrimadas me livre: « il n’y a personne qui soit plus à l’extrême-droite que les indépendantistes, car ce sont des égoïstes qui veulent garder la richesse de la Catalogne pour eux ». J’apporte à Arrimadas l’élément selon lequel les indépendantistes de la Cup sont à l’extrême-gauche. « Ils veulent plus faire exploser l’Europe qu’obtenir l’indépendance » conclut la chef de l’opposition. Point Godwin.

Le lendemain de l’interview a eu lieu une séance plénière au parlement de Catalogne pour voter toute une série de motions reconnaissant symboliquement la présidence de Carles Puigdemont et la République catalane. Comme à son habitude, Inès Arrimadas a tenu un discours très dur contre les indépendantistes. Cette fois-ci, c’est la responsable de Ciutadans qui a été qualifiée d’extrême-droite par la presse catalane la plus indépendantiste. Un journaliste du pure-player Vilaweb est allé jusqu’à écrire qu’un député de Ciutadans qui gesticulait pendant le discours d’un porte-parole indépendantiste « aboyait comme un chien d’Abou Ghraib ».  Les chiens de la prison militaire clandestine de la CIA américaine d’Abou Ghraib était utilisés pour effrayer les prisonniers en aboyant furieusement. Pour ce journaliste, dans une comparaison outrancière, un parlementaire de Ciutadans aboie comme un chien dans une prison militaire pour effrayer un indépendantiste qui fait un discours parlementaire. Point Godwin retour.

Pour rajouter de la complexité autour du positionnement des partis politiques, tous sont experts pour placer leurs adversaires dans la case de l’extrême-droite mais refusent eux-mêmes d’expliquer où ils se situent sur l’échiquier politique. Le mouvement de Carles Puigdemont Junts Per Catalunyaramification de l’éternel centre-droit catalan, refuse de se positionner dans un axe droite/gauche préférant parler de « rassemblement pour la République ». Même constant chez Ciutadans qui n’est selon le parti « ni de droite, ni de gauche ».  Un phénomène qui semble toucher toute l’Europe. Emmanuel Macron en a fait une marque de fabrique avec son mouvement En Marche qui survole toutes les tendances et a gagné la présidentielles et les législatives. Dimanche ont lieu les élections nationales en Italie où est donné favori le parti 5 étoiles. Un mouvement populiste qui lui aussi s’auto-décrit comme ni de droite, ni de gauche.

Pourtant, ce clivage droite/gauche existe et il n’a pas subitement disparu en l’espace de deux ans. Son origine est française et se trouve dans la position géographique des différents partis politiques dans l’Assemblée nationale de 1789. Cette année-là en France, lors d’un débat sur le poids de l’autorité royale face au pouvoir de l’assemblée populaire dans la future constitution, les députés partisans du veto royal (issus de la noblesse et du clergé) se regroupèrent à droite du président de l’Assemblée constituante (position liée à l’habitude des places d’honneur). Au contraire, les opposants à ce veto se rassemblèrent à gauche sous l’étiquette de «patriotes» (majoritairement le Tiers état).

Les notions de droite et de gauche, depuis la France de 1789, se sont étendues dans une grande partie des systèmes politiques parlementaires. Pour faire simple, et bien sûr il faut apporter des nuances propres à chaque parti et à chaque culture nationale les valeurs de droite et de gauche se scinde en deux horizons. La droite incarne la liberté économique et commerciale passant par le libéralisme, les valeurs de mérite, d’identité nationale, d’ordre, de sécurité, de tradition et d’autorité. La gauche, elle reflète le libéralisme des mœurs, l’égalité, la solidarité, l’insoumission, la tolérance et la justice sociale.

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