Guerre en Ukraine : quel impact sur le tourisme en Espagne ?

Tourisme en Espagne

Après la pandémie, le tourisme en Espagne pourrait bien faire face à une nouvelle difficulté : la guerre en Ukraine. Un enjeu social mais aussi économique, et en particulier pour la Catalogne.

Photo : Clémentine Laurent/Equinox

Si les conflits armés ont un impact direct sur les populations et les gouvernements, ils font aussi trembler l’économie. Alors que les bourses s’affolent en Europe, l’Espagne s’inquiète des répercussions sur la prochaine saison touristique. 

N’importe quel conflit armé a des conséquences négatives sur le tourisme”, avance Ramón Serrat, professeur en Tourisme à Barcelone. “L’insécurité n’est pas une alliée du tourisme.” Car en général, face à une guerre, les populations des pays impliqués ne pensent pas vraiment au divertissement et tendent à réduire leur consommation et leurs dépenses. Le tourisme n’est donc pas une priorité, et encore moins lorsque les pays se remettent de la crise du Covid-19.

Chute des réservations d’hôtels en Espagne

En Espagne, les effets de l’invasion russe en Ukraine se font déjà ressentir dans le secteur touristique. En une semaine, les réservations de nuits d’hôtel ont chuté de 18 % dans le pays, selon la plateforme de réservations Mirai. Une baisse directement liée au conflit puisque qu’elle a commencé aux alentours de midi, ce jeudi, premier jour de l’attaque russe. 

Pour les professionnels du tourisme, c’est une inquiétude de plus, alors qu’ils se relèvent à peine de la crise sanitaire. Mais les Russes ne représentent pas une majorité de leurs clients : ils étaient environ 1,3 million par an avant la pandémie, c’est-à-dire environ 1,5 % de tous les touristes étrangers dans la Péninsule ibérique. Leur présence était néanmoins intéressante, puisqu’ils dépensaient en Espagne environ 1,4 milliard d’euros, sur une année. 

tourisme en espagnePhoto : Hotel Arts Barcelona

Problème : la pandémie a drastiquement réduit le nombre de touristes russes, et contrairement à d’autres nationalités, ils ne sont pas revenus en 2021 : ils ne représentent que 0,4 % à 0,8 % du tourisme étranger dans le pays, ces deux dernières années, et des bénéfices de “seulement” 228 millions d’euros. Et les autorités se préoccupent de voir tomber ce chiffre à zéro (Institut national de statistique). 

La Catalogne, destination préférée des Russes

Et dans le cas de ce scénario-catastrophe, quelle serait la région d’Espagne la plus touchée ? La Catalogne. Il s’agit, et de loin, de la Communauté autonome préférée des Russes, avec plus de 56 000 ressortissants qui l’ont visitée en 2021, largement devant les autres régions (Ministère du Tourisme). Ici aussi, les chiffres sont en chute libre depuis le début de la pandémie : les touristes russes étaient plus de 830 000 en Catalogne en 2019.

Le conflit russo-ukrainien est donc une mauvaise nouvelle pour le secteur. “Cette saison, nous pensions récupérer les touristes russes et des pays limitrophes, mais rien n’est moins sûr maintenant”, regrette la directrice générale du Tourisme du gouvernement catalan, Marta Domènech, à La Vanguardia

À Barcelone, ce ne sont pas les plus nombreux : ils représentent seulement 2 % des touristes mais ils dépensent beaucoup, explique le président du Comité exécutif du tourisme de la ville, Eduard Torres. À l’hôtel Majestic, établissement 5 étoiles sur le Passeig de Gràcia, les Russes représentaient 6 % des clients avant 2020. Des clients qui n’étaient toujours pas revenus, contrairement à d’autres nationalités. Le conflit russe fait donc craindre à l’hôtel un retard dans la récupération de ce marché.

La crainte de restrictions de voyage

Pour l’instant, la crainte que les touristes russes désertent l’Espagne n’est pas encore certaine. En soi, rien n’empêche physiquement les citoyens russes de se rendre en Espagne, surtout les plus fortunés. Mais si la Russie limitait les voyages de ses ressortissants vers l’Europe, dans un futur plus ou moins proche, le risque de perdre le tourisme russe serait bien réel. D’autre part, “il est encore tôt pour voir les effets [de la guerre] sur le tourisme russe”, affirme Ramón Serrat, “cela dépendra de l’évolution et de la durée de la guerre, et des sanctions extérieures qui s’imposeraient à la Russie et à ses citoyens.” 

Pour l’instant, plusieurs vols ont été suspendus dans certains aéroports du sud de la Russie, mais aucune mesure n’a été annoncée vis-à-vis des déplacements de ses ressortissants. 

En ce qui concerne les touristes ukrainiens, ils sont bien moins nombreux que les Russes en Espagne. En revanche, certaines compagnies aériennes comptaient développer des lignes vers l’Ukraine. Ces plans pour la prochaine saison touristique semblent tomber à l’eau : l’espace aérien ukrainien est fermé, depuis ce jeudi, à l’aviation civile. Les vols en liaison avec Madrid, Barcelone et Alicante sont supprimés. 

tourisme en espagnePhoto : Aéroport de Barcelone

Mais le conflit armé n’a pas que des répercussions sur les touristes russes et ukrainiens. Il pourrait aussi influencer les déplacements entre Europe et Asie, note le président de l’Association des lignes aériennes en Espagne, Javier Gándara. Selon lui, les principales routes aériennes reliant l’Europe à l’Asie survolent la zone aujourd’hui en guerre. 

Des vols qui devraient soit être déviés, soit être annulés, ce qui pourrait diminuer le nombre de touristes asiatiques en Europe. Mais en ce qui concerne l’Espagne, les seules liaisons directes asiatiques survolent la Mer Noire, soit bien en dessous de la zone de conflit. 

Envolée des prix de l’énergie

Autre risque qui pourrait freiner le tourisme vers l’Espagne : la subite hausse des prix de l’énergie, en Europe, liée aux importations russes de gaz et de pétrole notamment. Cette augmentation, additionnée à une importante inflation, se font déjà sentir et pourraient faire grimper les prix des établissements touristiques, dans la Péninsule ibérique, et ce pour tous les clients, peu importe leur pays d’origine. 

L’envolée du cours du pétrole fait aussi craindre une augmentation du prix des billets d’avion, autre possible embûche pour les touristes. 

Après la crise du coronavirus, le conflit russe devient un nouveau défi pour le secteur du tourisme espagnol, qui comptait bien sur la saison touristique 2022 pour se relever et même aller au-delà des bénéfices d’avant-pandémie.

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