Artiste de métro à Barcelone : derrière la musique, la précarité

Artistes de métro à Barcelone

Etre artiste de métro à Barcelone rime avec passion et persévérance. Au prix de quelques pièces, ces musiciens jouent plusieurs heures en espérant toucher le jackpot : un sourire. Reportage dans leur quotidien.

Métro Passeig de Gràcia, un jeudi matin. Javier, alias Woolfi, ramasse les quelques pièces qui traînent dans la housse de guitare posée à ses pieds. Quelques euros à peine, peut-être 5 ou 10, pour avoir joué trois heures, dans le tunnel de la mort. « Des fois, je peux avoir 15 € par jour, d’autres fois 60. Ça dépend des jours. » Il range son instrument électrique dans l’étui, sa monnaie dans une trousse, et son enceinte dans une valise. « Chaque chose a sa place. C’est la routine », indique le musicien.

Voilà 13 ans que Javier répète son répertoire rock, blues, et variétés dans les stations de métro barcelonaises. 13 ans que les habitués d’Urquinaona, Passeig de Gràcia et Verdaguer, entendent Les Beatles, Guns N’ Roses ou les Rolling stones, cinq fois par semaine. 13 ans aussi, que pour Woolfi, c’est la même chanson. La soupe à la grimace, les écouteurs dans les oreilles, le pas pressé. Et s’il a de la chance, une pièce avec un petit regard. Mais celui-ci, c’est bonus.

Artiste de métro à Barcelone : « C’est comme une drogue »

« Jouer dans le métro à Barcelone, c’est jouer pour un public qui n’existe pas », assure Javier, un brin fatigué de sa matinée. Alors pourquoi continuer ? « C’est difficile. Mais c’est comme une drogue. » A 60 ans, Woolfi semble vivre une seconde jeunesse. Un rêve de showman du métro qu’il s’est offert après avoir connu le chômage et perdu sa femme.

« Et depuis, je suis heureux. » Avec peu, cependant. Car se tirer un salaire en jouant dans le métro relève de la mission impossible, avoue le rockeur. Si lui arrive à couvrir la moitié de ses charges mensuelles grâce aux petites pièces du métro, ce n’est pas le cas de tous.Artistes de métro à BarceloneDes 50 nouveaux musiciens qui intègrent chaque année l’association des Artistes de rue et du métro à Barcelone (AMUC), seulement cinq tiennent le choc après six mois, et un seul au bout d’un an. Malgré tout, Barcelone dénombre 60 musiciens actifs, accrédités pour 39 stations de métro. Mais seuls les plus persévérants restent. Ou bien, ceux qui n’ont rien à perdre.

« Un sourire vaut bien plus que de la monnaie »

Hermès s’est mis à la flûte traversière à la retraite. A 71 ans, cet homme aux longs cheveux blancs est un habitué de la station Verdaguer et Plaça Espanya, sa chouchoute. Les jeudis midis pour la première, et samedis après-midi pour la seconde, il s’exerce sur des chants de Noël, en fin d’année, et flamenco, classique ou jazz le reste du temps. « J’ai toujours voulu faire de la musique. Maintenant que ma vie active est derrière moi, je fais ce qui me plait », raconte l’autodidacte inscrit sur le planning de l’AMUC deux fois par semaine.

Pas question donc, pour Hermès, de jouer dans le métro à Barcelone pour l’argent. Il ne vaut mieux pas. « Des fois, j’ai 8-11 €. D’autre fois 4 €. » Trois fois rien. « Je ne fais pas ça pour en vivre », rajoute-t-il en se remémorant ses neuf années d’expérience. Comme les autres résistants du métro, Hermès cherche un tout autre salaire. « Un sourire vaut bien plus que d’argent. » Et pour ce précieux sésame, il faut s’accrocher. Donner le meilleur de soi, dans un temps limité par la TMB. Et attendre que vienne le bon public.

« J’adore jouer à Plaça Espanya. Les gens prennent ce métro pour aller se balader vers Montjuïc. Ils ont plus de temps. Souvent, ce sont les enfants qui s’arrêtent. Ils sont très sensibles au son de la flûte », explique le musicien. Les parents reviendront parfois déposer une pièce, in extremis. Et puis d’autres fois, plus rares, des gens un peu moins pressés resteront. « Une fois, je jouais du flamenco et des gitans se sont mis à danser », sourit Hermès. Et ça, pour un artiste de métro, ça vaut toutes les petites pièces du monde.

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