« Je me suis senti déraciné en m’installant à Barcelone »

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Vivre à l’étranger est parfois un grand saut dans l’inconnu pour les expatriés. L’adaptation peut alors se transformer en épreuve, au détriment de leur santé mentale. Ces Français de Barcelone témoignent. 

Photo : Toa Heftiba/ Unsplash

Nouveau rythme de vie, nouvel idiome, éloignement de ses proches, phase de socialisation… Si vivre à l’étranger suscite de l’enthousiasme, la perte de repères peut aussi décontenancer voire perturber. Dans le même temps, la santé mentale est parfois taboue pour les habitants étrangers, tant dans l’imaginaire collectif, les expatriés sont généralement perçus comme « bien dans leur peau », ou « assez forts pour tout quitter ».  Mais, quand tout ne se passe pas comme dans le rêve imaginé, le moral peut en prendre un coup.

« J’ai vécu dans de nombreux endroits et l’adaptation n’est pas toujours évidente. Il faut se refaire des amis, s’intégrer, apprendre une nouvelle langue, se confronter à une culture différente », confie Marie, française installée dans la Cité comtale depuis plus de 8 ans. Un sentiment partagé par de nombreux Français de la capitale catalane, à l’instar d’Arnaud, commercial de 36 ans. « En arrivant à Barcelone il y a 5 ans, c’était un peu la déconvenue. J’avais du mal à m’intégrer et l’éloignement de mes proches m’a miné le moral », admet le Parisien d’origine.

Phase d’adaptation

Cette phase d’adaptation qui nourrit une sorte de déprime est effectivement assez fréquente chez les expatriés. Caroline Gourdier, psychologue française à Barcelone explique : « On peut souvent remarquer un trouble dans l’identité culturelle. Les expatriés se sentent souvent déracinés. Il faut prendre de nouvelles habitudes, cela peut bousculer certaines personnes voire les choquer ».

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Caroline Gourdier, psychologue à Barcelone. Photo : Equinox Barcelone/Clémentine Laurent

Dans ce cas de figure, la spécialiste préconise aux expatriés de ne pas s’impatienter et de s’autoriser ce temps d’adaptation. Il est différent pour chaque personne et plusieurs facteurs, comme la religion, la langue maternelle ou encore les habitudes, peuvent faire perdurer cette étape.

« Un temps raisonnable serait entre 3 et 6 mois pour voir si on se sent capable de s’adapter à ces différences même avec un peu plus de temps. Si au bout de 6 mois on n’est pas bien ni à l’aise dans le nouveau pays, peut-être faut-il revoir le projet ou se faire accompagner », estime la psychologue.

Préparation mentale

Au fil des expatriations, certains individus finissent par se préparer psychologiquement à ce changement. C’est le cas de Marie, décoratrice d’intérieur à Barcelone, qui relativise à chaque nouvelle expérience à l’étranger. « Plus on avance dans le temps et plus les changements sont faciles. Il y a une certaine habitude qui s’installe en nous », affirme-t-elle.

Elle poursuit : « Je pars du principe qu’il faut arriver à bras ouverts dans un nouveau pays. Je me renseigne alors beaucoup sur ce lieu, sur sa culture, etc. Il faut considérer les avantages et toutes ces petites choses que nous n’avions pas auparavant. Mais, il ne faut surtout pas essayer de reproduire la vie que nous avions avant. Chaque déménagement est un nouveau départ. »

Pour Arnaud, une meilleure anticipation aurait certainement limité cette période de latence. « Quand j’ai quitté Paris pour Barcelone, je n’avais pensé qu’aux avantages de la ville, entre la plage, le soleil et le côté vacances. Forcément, dès les premières complications, je me décourageais vite », analyse-t-il. Ensuite, la période de Covid-19 n’a pas facilité son installation. « Rapidement, nous avons été confinés et je tournais en rond chez moi, loin de ma famille et de mes amis », se remémore-t-il. C’est à ce moment-là que le Français a décidé de consulter un psychologue.

S’entourer de personnes vivant la même expérience, se créer de nouvelles habitudes, suivre une thérapie… Les possibilités de prendre soin de sa santé mentale à l’étranger sont nombreuses. Pour Marie, les sorties en pleine nature ont une fonction salvatrice. « Je fais beaucoup de balades à la montagne et à la plage avec mes petites chiennes. Je profite du temps incroyable que nous offre Barcelone », raconte-t-elle.

Sortir de l’isolement

Une solution efficace pour celle dont l’installation en Catalogne a été perturbée par le diagnostic d’une maladie, qui à ce jour, est encore présente. « En arrivant ici, je me suis sentie très seule, et je ne savais pas à qui parler de mes peurs et de l’avenir concernant cette maladie. M’occuper de mes enfants était épuisant dans une ville où tout était nouveau », partage Marie. C’est ainsi qu’elle a décidé de rencontrer des expatriés traversant les mêmes épreuves. Une manière de sortir de son isolement.

Du côté d’Arnaud, échanger avec un psychologue lui a permis de trouver les mots justes à ces maux. « Je me suis rendu compte qu’intérioriser tout ces changements sans forcément les accepter m’a créé du tort. Les séances chez le psychologue m’ont permis de sortir de mon cocon et de retrouver une vie sociale que j’avais laissée en traversant la frontière ».

Si Marie a su trouver des remèdes elle-même, la Française est également suivie par une psychologue espagnole. Les échanges se font en anglais et ont permis à la décoratrice d’intérieur de s’acclimater à la vie catalane.  Elle estime d’ailleurs, que les expatriés devraient briser ce tabou de la santé mentale. « Je pense qu’en tant qu’étranger nous devrions tous être épaulés par des professionnels ! » Un précieux conseil qui pourrait aider les personnes désireuses de vivre une expérience à Barcelone.

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