Caroline Gourdier : « Je lutte pour faire venir mon compagnon cubain à Barcelone »

medecin français à Barcelone

Caroline Gourdier, 38 ans, vit à Barcelone depuis près de 20 ans. Diplômée en psychologie, elle ouvre son cabinet dans le quartier Sagrada Familia en 2019. La même année, elle part en voyage à Cuba et rencontre son compagnon. Depuis, son partenaire essaie d’obtenir un visa pour venir à Barcelone. Malheureusement, les refus s’enchaînent. Elle raconte. 

Quand avez-vous emménagé dans la capitale catalane ?

J’ai emménagé en Espagne à 20 ans. D’abord à Vic pendant 11 ans, puis à Barcelone depuis 8 ans. Cela va faire 19 ans que j’ai quitté la France.

Comment s’est passée votre installation en Espagne ?

Au tout début, parler catalan m’a paru difficile, mais avec le temps ça allait mieux. Il y a aussi des petites choses qui m’ont surprises une fois installée ici, notamment au niveau des mentalités. Les Catalans sont très cash alors qu’en France, les gens ont un peu plus de tacts. Et à Barcelone, les gens sont plus ouverts qu’en France. Il n’y a pas de jugement, c’est chouette.

Pourquoi avoir choisi Barcelone ?

Je ne l’ai pas choisi, je suis venue par amour. J’ai rencontré mon ex catalan à Paris et on est resté ensemble pendant 11 ans. C’est donc pour lui que je suis venue à Barcelone. Après onze années passées ici, j’avais mes repères, ma vie et je me sentais bien à Barcelone, donc, même après notre rupture, j’y suis restée.

Quel métier exercez-vous ? 

Je suis psychologue accréditée par le Departament de Salut de la Generalitat. J’ai un cabinet dans le quartier de la Sagrada Familia. Je réalise des thérapies en français et en espagnol.

Comment s’est passée la rencontre avec votre compagnon cubain ? 

En 2019, j’ai entamé un voyage en Amérique centrale et latine. Au cours de cette aventure, j’ai visité Cuba. C’est là que j’ai rencontré mon compagnon. On avait beaucoup de centres d’intérêts communs. Lui aussi est tatoué, il fait du skate et a une fibre artistique que j’apprécie beaucoup. C’est un photographe, il a une page où il partage ses clichés. La manière dont il transmet des émotions à travers ses photos me plaît. Comme c’est mon domaine professionnel, c’était intéressant pour moi de suivre son travail. On a continué à se parler sur les réseaux sociaux et on s’est mis officiellement en couple en janvier 2020. Je suis ensuite retournée à Cuba le 19 mars 2020, en pleine pandémie pour le revoir. Le voyage était prévu avant la crise et l’état d’urgence. Je devais rester 3 semaines, mais je n’ai finalement pu y rester que 8 jours car Cuba fermait ses frontières. J’ai pris le dernier vol pour Paris pour éviter d’être coincée là-bas.

Comment gérez-vous cette relation à distance ?

On gère plutôt bien notre relation malgré la distance, mais on en veut plus. Nous avons des projets qu’on aimerait entreprendre ensemble et ce serait plus avantageux qu’il vienne à Barcelone. À Cuba, le régime politique strict n’est pas idéal pour mon compagnon. Il ne peut même pas voyager dans les pays voisins et en tant que photographe, ça le bride. Alors, nous avons tenté de faire une demande de visa auprès du consulat espagnol de la Havane pour qu’on puisse se revoir, mais ils ont refusé.

Savez-vous pourquoi il est si difficile d’obtenir un visa pour votre conjoint ?

C’est vrai que notre relation était naissante lors de notre première demande de visa, donc je m’y attendais un petit peu. On a quand même tenté le coup car c’était une période où le consulat accordait pas mal de visa au couple. En période de pandémie, beaucoup de frontières ont fermé. D’ailleurs, la raison du refus donnée par le consulat repose essentiellement sur la courte durée de notre relation et le fait que nous n’ayons pas vécu ensemble assez longtemps. Ils appellent ça la « convivencia ». Les preuves données n’étaient pas suffisantes pour justifier une relation durable et stable. À ce stade, j’ai compris leur premier refus, mais pour les autres tentatives, je trouve que nous subissons une grande injustice.

Avez-vous pu revoir votre compagnon après la réouverture des frontières ? 

Oui. Dès la réouverture des frontières le 15 novembre dernier, je suis retournée à Cuba pendant 1 mois. C’était super, tout s’est très bien passé. En février 2021, on a refait une demande de visa au consulat espagnol. Encore une fois, elle nous a été refusée alors qu’on avait beaucoup plus de preuves. On était en couple pendant plus d’un an en continu. On a vécu ensemble 1 mois et 1 semaine, mais pour le consulat, ce n’est toujours pas suffisant.

Crédit : Equinox Barcelone/Clémentine Laurent

Quelles autres démarches avez-vous entreprises pour faire venir votre compagnon à Barcelone ?

Lors la fermeture des frontières, le mouvement Love is not tourism a vu le jour. Il a été lancé par une Hollandaise qui vivait la même chose que moi. Pendant le confinement, il y avait plein de personnes séparées de leur partenaire ou de leur famille. À travers ce mouvement, ils demandaient simplement de pouvoir voyager pour revoir leur proche sans forcément faire du tourisme. À Barcelone, on a formé un groupe de 10 filles. Sur 10, il y a en 8 qui ont réussi à faire venir leur copain. Donc, entre octobre 2020 et janvier 2021, les visas étaient donnés plus facilement. On a alors fait une énième demande. Cette fois-là, on avait plus de convivencia, plus de temps de relation, plus de preuves (photos, conversations WhatsApp, des appels vidéos). La réponse a une nouvelle fois été négative.

Je suis retournée à Cuba entre mai et juin 2021. Là, on a pris un rendez-vous en personne auprès du consulat. Les filles du groupe nous l’ont conseillé car cela donnait plus de force et de consistances au dossier. Ils nous voient ensemble, ils voient que c’est réel. Là encore, notre demande a été rejetée. Donc, c’est incompréhensible.

Selon vous, le refus de l’ambassade espagnole est-il arbitraire ?

Oui complètement. J’ai l’impression que notre relation n’est pas du tout prise au sérieux. On doit démontrer, prouver notre histoire, mais qui sont-ils pour juger ? Pourquoi subissons-nous cette injustice ? En plus, c’est frustrant de devoir dévoiler notre vie privée pour authentifier notre histoire. Comment voulez-vous qu’on ait plus de convivencia s’il ne le laisse pas venir me voir ? Je ne peux pas partir tous les trois mois à Cuba et laisser mon activité de côté.

Dans le groupe de filles espagnoles, il y en avait certaines qui avaient des relations moins longues que la mienne et ont obtenu un visa, sans même être mariée ou pacsée. Est-ce de la discrimination parce que je suis Française ? Pourtant dans les requisitos, il est indiqué que cela fonctionne pour n’importe quel Européen disposant de papiers espagnols. Moi, j’ai un NIE permanent. Où est le problème ?

Envisagez-vous de vous installer à Cuba ?

Non, si tu n’es pas Cubain, tu ne peux pas travailler là-bas. Et puis j’ai ouvert un cabinet à Barcelone. Cela a été un grand investissement donc je ne peux pas partir comme ça. Même faire des thérapies en visio est compliqué à Cuba. La connexion internet est faible.

Comment votre compagnon le vit-il ?

Il le vit mal, c’est très dur émotionnellement. Et puis, il aimerait quitter Cuba. Avec la pandémie, la situation s’est empirée, il y a des queues partout pour acheter à manger. Et, en tant que photographe, à Cuba, il ne peut pas réaliser ses projets. Il veut se développer à Barcelone, voyager et faire des expos en Europe.

Que dit le consulat français ?

Nous n’avons pas encore sollicité le consulat français, mais cela pourrait être une solution à l’avenir, si notre dernière demande est encore refusée.

Envisagez-vous de vous marier ? 

Oui, on a prévu de faire des démarches pour se marier à Cuba. Mais il faudra que je passe par la France, car je ne peux pas m’enregistrer sur le registre civil espagnol. Alors, là aussi, cela complique les choses, car trois pays seront impliqués et mon compagnon devra d’abord passer par la France pour venir à Barcelone.

Quelle est la durée du visa demandé auprès du consulat ?  

On a demandé un visa pour couple non marié et non-pacsé qui dure 90 jours, soit trois mois. Avec ce visa, on peut demander des papiers de résidence, contrairement au visa tourisme. Quand il arrivera à Barcelone, on va faire l’empadronamiento pour se pacser et ensuite faire la demande de résidence temporaire à Barcelone. Comme ça, il aurait un NIE temporaire et disposerait d’un document lui permettant de rester légalement sur le territoire espagnol.

Pour revenir à votre vie à Barcelone, après 8 ans passée dans la capitale catalane, quel est votre lieu favori ?

J’en ai plein ! Ce que je préfère, c’est la gastronomie internationale, surtout la cuisine latina que j’adore ! On trouve de tout ici. Sinon, j’adore vraiment tout de Barcelone !

Quel est votre plus beau souvenir à Barcelone ?

Quand j’ai déménagé de Vic à Barcelone. C’était un rêve de vivre à Barcelone. Un autre beau souvenir est le jour de l’obtention de mon diplôme de psychologie.

Souhaitez-vous vivre à Barcelone encore longtemps ?

Oui, l’objectif est vraiment de rester ici. Je n’ai pas l’intention de partir, j’adore ma vie ici !

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