Ouigo et la SNCF accusées de concurrence déloyale en Espagne

Le ministre des transports Óscar Puentes estime que l’opérateur français tire le marché ferroviaire espagnol vers le bas, mettant en péril la viabilité du secteur. 

La SNCF va-t-elle trop loin dans sa féroce concurrence avec l’espagnol Renfe, son ancien partenaire ? Cette semaine, c’est le ministre des Transports lui-même qui s’en est pris à l’entreprise publique française, l’accusant de mener un dangereux « dumping » pour tenter une hégémonie sur le marché espagnol. Dans une interview accordée à la radio Cadena Ser, Oscar Fuentes a estimé que Ouigo avait tiré tout le marché vers le bas en menant une politique de prix très agressive avec des trajets en TGV à partir de 9 euros. « Ce n’est pas raisonnable, a martelé le ministre, la concurrence doit être loyale et ne pas entrer dans des pratiques qui conduisent à l’extermination de l’adversaire ».

L’adversaire, c’est la Renfe, l’opérateur national espagnol. Les deux compagnies ont travaillé main dans la main durant neuf ans pour assurer les liaisons TGV entre la France et l’Espagne. Jusqu’à ce que le marché se libéralise et que la SNCF rompe unilatéralement le partenariat. Elle a lancé Ouigo en Espagne en 2021 et déjà grappillé plus de 20% du marché sur la ligne Madrid-Barcelone, grâce notamment à ses très bas prix. Une stratégie qui lui a coûté plus de 95 millions d’euros de pertes en trois ans, a souligné Oscar Puentes avant d’ajouter que cela ne lui paraissait pas « très raisonnable ».

Guerre ouverte des deux côtés des Pyrénées

Dans les couloirs de la Renfe, on se demande comment le contribuable français peut accepter de payer pour un tel naufrage financier sans s’en offusquer. Il faut dire que chez l’opérateur espagnol, l’exaspération est à son comble. Non seulement, Ouigo pratique le dumping dans la péninsule, mais la SNCF fait tout ce qui est en son pouvoir pour bloquer l’arrivée de la Renfe sur le territoire français. « Alors qu’eux ont pu opérer très rapidement en Espagne, et sur notre meilleure ligne, celle du Madrid-Barcelone », nous confie un employé.

Concours photo Renfe SNCF Photo Thelma CherpinLa Renfe a ainsi mis plus d’un an à avoir les homologations nécessaires pour les lignes reliant l’Espagne à Marseille et Lyon, lancées au cours de l’été 2023. La SNCF avait d’ailleurs été épinglée par l’Autorité de régulation des transports pour son retard dans l’ouverture à la concurrence des rails hexagonaux. « On n’arrête pas de nous mettre des bâtons dans les roues » avait alors expliqué à Equinox un cadre de l’entreprise espagnole. Rebelote pour la ligne Lyon-Paris. Alors qu’elle espérait pouvoir emmener les joueurs ibériques aux Jeux Olympiques de Paris dans ses TGV, la Renfe devra encore patienter de nombreux mois pour obtenir les laissez-passez nécessaires. “Il n’y a pas de réciprocité, a regretté le ministre espagnol, ils ne nous ont rien facilité”.

Du côté de Ouigo, le président Alain Krakovitch n’a pas répondu sur ce dernier point. Il a en revanche souligné que c’était bien « la première fois qu’on leur reprochait d’avoir de bas prix » et indiqué que la moitié des voyageurs de la firme en Espagne n’avait jamais pris le train auparavant, preuve de son rôle primordial dans la transition vers une mobilité plus verte.

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