J. A. Bayona (Le Cercle des neiges), des quartiers pauvres de Barcelone au festival de Cannes

Le cinéma espagnol moderne, c’est lui. Et à tout juste 49 ans, le réalisateur et producteur catalan Juan Antonio Bayona a été choisi pour faire partie du jury du festival de Cannes qui débutera demain. Portrait.

Photo de couverture : Juan Antonio Bayona – cérémonie des Goyas

Il aurait presque pu écrire lui-même ces lignes, car c’est d’abord en tant que journaliste que Juan Antonio Bayona a fait son entrée dans le monde du cinéma. À l’époque, le Barcelonais a 17 ans, des rêves pleins la tête et aucun moyen de les réaliser. Il n’a pas de contacts, pas d’entrées dans des boîtes de production, mais de l’envie, ça, oui. Pour réussir, le voilà qui monte une radio de quartier dans le seul but de pouvoir assister aux projections destinées à la presse. Ce sera ça, sa chance.

Il y rencontre le cinéaste Guillermo del Toro, se noue d’amitié avec lui et des années plus tard, lui présente un scénario : celui de L’Orphelinat, son premier long-métrage. Le réalisateur accepte de le produire, et le tour est joué. Thriller horrifique acclamé lors de sa sortie en 2008, le film permet à son tout jeune auteur de gagner le Goya du meilleur nouveau réalisateur. Bayona ne le sait pas encore, mais ce n’est que le début d’une belle carrière.

De Charlie Chaplin à Jurassic World

Pourtant, rien ne destinait ce fils d’une couturière et d’un peintre en bâtiment andalous venus vivre dans la cité catalane à devenir le nouveau visage du film espagnol. Enfin, rien, si ce n’est les encouragements continus de ses parents et une passion dévorante pour le cinéma qui ne l’a jamais quitté.

Le petit Juan Antonio grandit dans le quartier excentré de Trinitat Vella, rongé par la drogue et la pauvreté. Par sa fenêtre, lui et son frère jumeau sont témoins des dégâts qu’engendre la prise de substances, et pour s’extirper de ce monde violent, les enfants regardent des films, à commencer par ceux de Louis de Funès et Charlie Chaplin. Plus tard, toujours mû par la fièvre cinématographique, Juan Antonio entre à l’Ecole supérieure de cinéma de Catalogne, puis réalise quelques courts-métrages, jusqu’à rencontrer le succès avec L’Orphelin.

Propulsé nouvelle coqueluche d’Hollywood, l’enfant des quartiers pauvres devient réalisateur star et fait tourner dans ses films tous les acteurs américains qui comptent, comme Liam Neeson, Sigourney Weaver ou encore Chris Pratt. Dans la lignée de son mentor Del Toro, Bayona est adepte d’un cinéma inquiétant, voire angoissant. Et s’il arrive que des créatures imaginaires surgissent dans quelques-unes de ses créations (dans le film Quelques minutes après minuit, ou la série Penny dreadful), il se fait surtout connaître grâce à ses long-métrages catastrophes, inspirés de faits réels.

C’est ainsi qu’il réalise The Impossible (2012), succès mondial, dans lequel il raconte l’histoire d’une famille de vacanciers victime du terrible typhon thaïlandais de 2008. Au casting, l’espagnol s’offre Ewan McGregor, Naomi Watts et un tout jeune Tom Holland, qui n’avait pas encore enfilé le costume de l’araignée la plus sympa du quartier.

J. A. Bayona, un Catalan qui s’exporte

Presque dix ans exactement après avoir raconté le typhon, Bayona s’empare d’une autre tragédie, qui est à ce jour son plus grand succès critique. Le Cercle des neiges (2023) est l’adaptation d’un événement tragique survenu en 1972 : le crash d’avion d’une équipe de rugby uruguayenne sur la cordillère des Andes. Et il faut croire que le drame va bien au Catalan puisqu’aux Goyas 2024, son long-métrage remporte douze statuettes sur treize nominations, dont celui du meilleur film.

Des récompenses dont il est fier, mais qu’il n’oublie pas de partager avec les siens. Réalisateur loyal, il est également à la tête de sa propre boîte de production – qu’il a nommée La Trini en référence à son quartier – et s’entoure de la même équipe de tournage dans toutes ses réalisations, dont son frère jumeau, qui joue même un petit rôle dans Le Cercle des neiges. Bientôt juré du plus prestigieux festival de cinéma du monde, il incarne une Espagne moderne et talentueuse qui s’exporte avec succès à l’internationale. La preuve, c’est lui que Steven Spielberg a personnellement choisi en 2018 pour réaliser Jurassic World : le monde d’après.

International, certes, mais avant tout Catalan, J. A. Bayona reste très attaché à sa ville natale, et c’est réciproque. La mairie a d’ailleurs tout récemment proposé de lui remettre la médaille du mérite culturel :

« La ville souhaite ainsi reconnaître, avec la plus grande distinction, le talent de l’un des grands cinéastes espagnols du 21e siècle, l’un des créateurs qui renforcent les liens de Barcelone avec l’élite du cinéma international, en même temps qu’il parvient à attirer les spectateurs dans les salles de cinéma, entretenant ainsi l’amour du public pour les films sur grand écran ».

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