Ramón Masats à Barcelone : le bruit sourd de la photographie

Le photographe catalan Ramón Masats (1931-2024) et son oeuvre sont à découvrir jusqu’au 25 mai à Foto Colectania, dans le Born. Entre les fêtes de Pamplune, la Rambla de Barcelone et le quotidien sous Franco, l’artiste prolifique des années 1960 aura tout immortalisé, avec toujours un brin d’ironie et une maitrise quasi architecturale de son art. 

Photos : © Ramón Masats / VEGAP, Barcelona 2025

« Nous n’étions pas conscients de représenter une époque, nous voulions juste faire des photos », raconte, malicieux, Ramón Masats dans un entretien vidéo projeté à la fin de « Ramón Masats : le photographe silencieux ». Et pourtant, ce Cartier-Bresson espagnol, photographe de rue iconique des années 1960, a bel et bien immortalisé son époque.

L’exposition présentée par Foto Colectania est une visite nécessaire, ne serait-ce que pour admirer la maitrise qu’avait le Catalan de son appareil. Jouant avec les ombres, les architectures, le caché et le révélé, le photographe décédé l’année dernière illustrait fidèlement mais toujours avec originalité le quotidien de ses pairs.

La fête sur papier glacé

L’exposition présentée à Barcelone se concentre sur ses débuts, de 1953 à 1965, alors qu’il est « un photographe d’instinct », capturant ses concitoyens dans leur vie quotidienne, mais aussi et surtout lors de moments de liesse.

L’Espagnol était un amoureux de la fête. Il s’est attaché toute sa vie à capturer silencieusement – d’où le nom de l’exposition – la cacophonie grandiose des fêtes traditionnelles espagnoles. L’exposition – très complète – rend compte de plusieurs de ses séries et livres-photos, qui en leur temps ont changé l’histoire de la photographie à jamais.

Dès 1953, mû par le désir de se défier lui-même, Ramón Masats se rend à Pamplune lors des fêtes de Sanfermine dans l’idée d’immortaliser un sujet jamais encore couvert. Il photographie alors la corrida, les jeunes ivres, la fête sous toutes ses coutures, chaotique et souvent poétique. En résultera 10 ans plus tard le livre-photo « Sanfermines », encore aujourd’hui un immanquable de la photographie.

Equinox Barcelone Ramon Masats

Dans « Neutral Corner » (1962) il s’intéresse aux boxeurs de Madrid, réussissant à capturer les corps de ces hommes en lutte acharnée, et à faire pause dans un mouvement effréné. Dans la série « Las Ramblas », il illustre un autre aspect de la vie espagnole de cette époque, et donne à voir l’avenue mythique sous un autre jour.

Bien sûr, Ramón Masats vécut aussi sous Franco. Il ne fut pas cependant un photographe ouvertement opposé au régime, tant la censure était forte pour les artistes de son époque. Pour autant, on trouve tout de même des clichés de ce temps, représentant milices et politiciens, toujours pris avec beaucoup d’ingéniosité, floutant opportunément, zoomant pour ridiculiser.

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Après cette période photographique aux airs aussi documentaires que cinématographiques, Ramón Masats se tournera vers le cinéma (ce qui ne surprendra personne). Il reviendra ensuite à l’appareil photo – en couleur cette fois – mais c’est une autre histoire, pour une autre expo.

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