À Barcelone, le jazz est une musique (très) populaire. Clubs, bars ou festivals, on entend résonner la trompette et le piano n’importe quel soir de la semaine, et bien plus que toute autre ville espagnole. Barcelone est-elle la nouvelle Harlem ?
Photo : La Vanguardia
« On va au Jamboree ce soir ? ». À Barcelone, il n’est pas rare d’entendre des jeunes proposer une soirée jazz comme on propose d’aller en boîte. « Je ne sais pas vraiment comment c’est arrivé » séche Martí Carrasco de Casacuberta, président de l’Association des musiciens de jazz de Catalogne. En vérité, il est toujours difficile de comprendre ce qui a mené une musique dans un endroit et non un autre : tout dépend d’une rencontre, d’un concert ou d’une anecdote. Du plus loin que l’on – c’est-à-dire internet – se rappelle, le jazz est arrivé à Barcelone dans les années 1920, importé des Etats-Unis. Il s’y développe normalement, puis à la fin de la dictature franquiste, la scène catalane trouve l’étoile qui la fera briller : Tete Montoliu.
Enfant de la cité comtale, ce pianiste aveugle fera grand bruit de l’autre côté de l’Atlantique, collaborant et ramenant à Barcelone une myriade de musiciens plus populaires les uns que les autres, de Dizzy Gillespie à Ron Carter. C’est avec eux que la ville prend ses lettres de noblesse, et ses notes de jazz.
Mais revenons au 21e siècle. Aujourd’hui, si Barcelone est un centre névralgique du jazz en Espagne, « c’est principalement grâce à son style cosmopolite et ses salles mythiques » raconte encore Martí, cette fois bien informé. En effet, chaque ville européenne a « son » univers jazz. Amsterdam est plutôt académique, Copenhague davantage dans l’expérimental. Barcelone, elle, réunit de tout. Et pour cause, elle bénéficie d’un vivier de talents particulièrement fourni. L’Esmuc (école de musique de Catalogne), l’Aula du Liceu et le Taller de músics sont trois écoles – la première publique, les autres privées – offrant un enseignement de musique jazz. « Ça et 400 universitaires qui l’enseignent, ça fait du monde à aimer le jazz dans cette ville », se réjouit l’expert.
La Catalogne couleur jazz
Ces musiciens ne manquent d’ailleurs pas d’endroits où se produire. Jamboree à Plaça Reial, Casa Figari à Gràcia, El Molino sur Paral.lel, Harlem Jazz Club dans le Raval… Les clubs se suivent et ne se ressemblent pas. Ce sont surtout des lieux hyper modernes, alors que d’aucuns considèrent le jazz comme une musique du passé. Quiconque a déjà séjourné à Barcelone sait qu’au contraire, ces bars de musique live sont très populaires auprès des plus jeunes, qui y boivent un verre et font des rencontres tout en écoutant de la bonne musique.
Des soirées où, à l’inverse des nuits de reggaeton, le spectateur peut se contenter d’écouter sans forcément avoir à danser. C’est avec cette tendance qu’El Molino, mythique salle de Paral.lel aux mille vies a rouvert à l’hiver 2024 en mettant le jazz au coeur de sa programmation. Reconnu pour la qualité de son son, El Molino accueille cette année des grands noms de la scène internationale comme Richard Bona, Erik Truffaz ou encore Marco Mezquida.
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Au-delà des salles, la Catalogne abrite aussi des festivals très reconnus. Notamment le Festival de jazz international de Barcelone, le plus grand d’Espagne. Entre octobre 2025 et mars 2026, sa 55e édition arrive avec une programmation qui combine des talents locaux, des figures internationales et de nouveaux talents avec plus de 60 concerts. Avec un budget de 1 535 000 euros, le festival met en vente plus de 56 000 entrées. « Mais il n’y a pas que ça », continue Martí, « le festival de Terrassa est aussi très important et ce depuis des années ».
Tout juste terminé, le festival de jazz de cette ville à 30 kilomètres de Barcelone est en effet un inratable du domaine. Pour notre expert, il n’y a pas de doute : « C’est grâce à la programmation prestigieuse de Terrassa ou de Jamboree qui ont ramené en leur temps des Duke Ellington, par exemple, que le jazz est aussi puissant ici. »
