Comment la Catalogne est devenue le refuge des faux couples

Equinox barcelone couple

Le nombre de parejas de hecho en Catalogne, ces couples pacsés, a explosé depuis sept ans. Entre unions blanches et vrais couples, difficile de démêler le vrai du faux.

Photo de couverture : mairie de Barcelone

On en parlait il y a un an déjà, et les chiffres continuent de s’affoler. En sept ans, le nombre de couples ayant officialisé leur union « de fait » – le pacs, en français – devant notaire a bondi de 365 % en Catalogne. Une progression impressionnante : nous sommes passés de 6 374 en 2017 à près de 30 000 en 2024.

Comment expliquer cette croissance exponentielle ? Contrairement à d’autres communautés autonomes, la Catalogne autorise les unions avec peu de conditions : deux ans de vie commune suffisent, mais il est aussi possible de s’y soustraire totalement en passant par un notaire. Une simple déclaration suffit alors à obtenir un statut quasi équivalent à celui du mariage. Pas de dossier, pas d’enquête, pas de vérification. Une formalité expédiée, et un cadre juridique immédiatement accessible. Et ce sont ces facilités qui en font la région la plus prisée pour se pacser : 81% des unions du pays se font en Catalogne.

Equinox Barcelone parejas de hecho

Photo : El Periodico

Dans la pratique, cette porte d’entrée rapide ouvre aussi à des droits administratifs : regroupement familial, titre de séjour, facilités de régularisation. Et ce sont ces conséquences, lourdes à l’échelle bureaucratique, qui inquiètent les autorités. Et leurs doutes sont plutôt confirmés par un chiffre éloquent : en Catalogne, 65 % des unions concernent un citoyen espagnol et un ressortissant non-européen.

Vers un business juteux

L’administration soupçonne donc des mariages blancs, et elle a raison. Il y a un an, nous avions recueilli les témoignages de Davide et Camille, un Italien et une Française qui avaient respectivement accepté de s’unir civilement à une Russe et un Canadien, leur permettant d’avoir les papiers. Un geste de bonté très simple, nous racontait Davide : « Je n’ai rien eu à faire à part aller à quelques rendez-vous. Elle s’est occupée de tout. »

Ils nous expliquaient aussi à quel point la pratique était courante, connaissant eux-mêmes des dizaines d’amis ayant fait exactement la même chose pour rendre service à un proche ou une connaissance désireuse de prolonger son séjour espagnol. Et quand on évoque le risque d’amende, qui peut aller de 500 à 10 000 euros, Davide assure n’avoir « pas du tout » d’inquiétude à cet endroit.

Et en effet, si ces unions prennent de l’ampleur, c’est qu’elles échappent à tout contrôle, jusqu’à devenir un vrai business. Sur les réseaux, de nombreuses personnes offrent de réaliser cet acte moyennant quelques centaines ou milliers d’euros. Il y a un an, la police nationale avait même démantelé une organisation criminelle qui aurait effectué ces unions entre des Espagnols et des ressortissants marocains ou algériens.

Lire aussi : Les faux couples à Barcelone, une tendance qui monte chez les jeunes

Profitant de la détresse des migrants, cette bande catalane avait versé 8 000 euros à des citoyens espagnols pour qu’ils s’enregistrent comme leurs partenaires, souvent des jeunes filles de la région. Le réseau demandait ensuite 12 000 euros par union aux demandeurs – souvent des hommes dans la cinquantaine – pour gérer l’enregistrement dans les registres officiels afin qu’une fois le couple non marié officialisé, leur séjour puisse être régularisé.

Un problème pour les officiels catalans, qui perdent là un levier de contrôle sur la démographie et réalisent leur incapacité à maîtriser l’afflux de migrants sur le territoire. Face à cette situation, le secteur demande une réforme de la loi sur les étrangers qui établirait des « filtres » permettant à la police nationale d’examiner la véracité de chaque couple avant de mener à bien ce type de procédure. Une nouveauté qui demanderait des moyens humains titanesques au vu du nombre de pacs déjà réalisés.

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