Avec des températures pratiquement estivales, les plages de Barcelone attirent déjà les foules. Derrière les serviettes et les parasols, une série de règles strictes encadrent l’usage du littoral : interdiction de fumer, de boire de l’alcool, de faire du bruit ou de vendre quoi que ce soit. Des règles claires sur le papier, mais dans les faits… tout le monde ne les respecte pas, c’est un euphémisme.
Photo: Clémentine Laurent
Ce n’est pas encore l’été, mais ça y ressemble méchamment. Ces derniers jours, les températures donnent à Barcelone des allures de mois de juin avant l’heure. Et quoi de mieux pour profiter du soleil que de filer au bord de la mer ? Les plages sont déjà prises d’assaut, par les touristes comme par les locaux. Quoi de plus normal.
Avant d’étaler sa serviette sur le sable, mieux vaut toutefois connaître les règles en vigueur. Car les plages de Barcelone sont surveillées, et les amendes peuvent tomber vite. Il est par exemple interdit de fumer sur l’ensemble du littoral barcelonais, une mesure en place depuis 2022 pour lutter contre la pollution des mégots. Barcelone fut d’ailleurs pionnière en Espagne en généralisant cette interdiction, désormais suivie par de nombreuses communes. Seules exceptions : les chiringuitos (terrasses de bars de plage) et la promenade maritime. Pour l’été 2025, la règle reste en vigueur, mais avec une nouveauté : une décision de justice a obligé la mairie à autoriser les cigarettes électroniques et les vapoteuses, qui ne peuvent plus être interdites par la réglementation municipale.
Idem pour la consommation d’alcool, strictement prohibée, même pour un simple apéro entre amis. Boire de l’alcool en groupe de manière bruyante ou susceptible de provoquer des troubles peut entraîner des amendes salées — jusqu’à 600 €, selon l’ordonnance municipale sur le civisme —, voire 3000 € en cas de récidive ou de perturbation grave. Même une consommation individuelle et discrète reste interdite, avec des sanctions plus légères à la clé (environ 100 €, souvent réduites en cas de paiement rapide… à bon entendeur). Les vendeurs ambulants sont également dans le viseur de la police municipale, tout comme les massages improvisés sur le sable.
Quant aux animaux, les chiens ne sont autorisés qu’en dehors de la saison balnéaire, sauf sur une plage dédiée à Llevant, accessible uniquement aux toutous munis d’un passeport canin. Enfin, nudité et topless sont tolérés, mais uniquement sur certaines plages comme celle de Mar Bella.
La réglementation en vigueur interdit également la musique à volume élevé ou tout bruit susceptible de troubler la quiétude des plages. La mairie recommande donc d’utiliser des écouteurs ou de maintenir un volume très bas. En cas de comportement bruyant (musique, cris, etc.), les agents de la Guardia Urbana peuvent intervenir, demander de baisser le son, voire confisquer le matériel si l’ordre n’est pas respecté. Les amendes peuvent grimper jusqu’à 700 € en cas de récidive
En résumé donc : soleil oui, mais sous conditions. Enfin, ça… C’est sur le papier.
« Les plages de Barcelone sont dégoûtantes »
En réalité, les sanctions se font plutôt rares. Rien qu’à voir le nombre de personnes avec des bouteilles d’Estrella sur la Barceloneta, on se doute que le pouvoir dissuasif des sanctions est limité. Même chose pour les fumeurs: les sanctions rares (environ 30 €), la police procédant surtout à des rappels à l’ordre.
Et les expatriés sur place n’ont pas le sentiment que les règles soient suffisamment respectées. Dans un sondage posté sur nos réseaux sociaux, 80% des votants considèrent que les règles qui encadrent les plages de Barcelone ne sont pas suffisantes (sur un total de 179 réponses). « L’autre jour, des gens utilisaient des nangs (des petites cartouches de protoxyde d’azote, aussi appelé gaz hilarant, inhalées à des fins récréatives pour leurs effets euphorisants de courte durée, ndlr) juste à côté de moi en plein milieu de la journée, alors qu’il y avait des enfants qui couraient autour… dégoûtant », témoigne Louisa, une Allemande d’une trentaine d’année qui travaille dans la tech.
Fumer est interdit sur les plages de Barcelone. (Photo: Cyane Morel)
« Je ne mets jamais un pied sur ces plages. Je trouve les plages de Barcelone trop dégoûtantes », affirme Antoine, Français lui aussi trentenaire.
« Je trouve que les nouvelles règles sont très bien, mais j’ai l’impression qu’elles ne sont pas assez appliquées », nous explique Lucie, une Grecque qui travaille dans une société juridique à Barcelone depuis plus de six ans. « Le week-end dernier, je suis allée à la plage de la Barceloneta et c’était tout aussi mal, voire pire qu’avant. Toutes les deux minutes, quelqu’un essayait de me vendre quelque chose — certains allaient jusqu’à me toucher ou crier si je ne répondais pas assez vite. En 90 minutes, on m’a proposé des cocktails, de la drogue, des bières, des couvertures, des massages, des tresses… littéralement tout ce que les haut-parleurs annoncent comme interdit. Et je n’ai pas vu un seul policier. »
Pour d’autres, c’est surtout le bruit qui pose problème, et qui vient perturber la quiétude que l’on peut rechercher en allant à la plage. « J’espère qu’ils interdiront la musique forte sur les plages publiques », soulève Sandra, une mère d’origine chinoise qui a récemment déménagé à Barcelone. « Quand je vivais en France, je n’ai jamais vécu ça une seule fois. Mais ici, sur certaines plages, les jeunes avec leur musique à fond gâchent vraiment les moments de tranquillité. En plus, tout le monde n’a pas les mêmes goûts musicaux. » Difficile de lui donner tort.
Certains sont moins diplomatiques. « La police n’applique pas l’interdiction de fumer. J’étais à côté d’un agent sur la promenade et je lui ai montré trois personnes en train de fumer à environ trois mètres de nous — il n’en avait rien à faire. Je lui ai alors demandé : « Mais alors, à quoi vous servez ? », et il s’est énervé. Je suis juste parti », s’offusque Michael, un Canadien d’âge moyen qui travaille dans l’IT. « Autre problème : il est aussi interdit de louer des parasols, de vendre de l’alcool, ou de proposer des massages ou des tresses sur la plage. Et pourtant, les policiers regardent tout ça sans bouger. Conclusion : il faut que la police fasse son travail. Et ça me fait me demander pourquoi elle n’applique pas les lois en place. Je me demande vraiment ce qui explique ce manque de motivation. » Une question que l’on laissera en suspens.
Et la mairie de Barcelone, que répond-elle? Contactée par nos soins, elle juge que les règles en place fonctionnent bien et sont suffisantes, selon la porte-parole en charge du dossier, Helena Mercadal. Reste à voir si, avec l’afflux estival, les règles seront mieux respectées. En attendant, elles ont le mérite d’exister…