Faire reconnaitre ses diplômes français en Espagne : un parcours (presque) impossible

Délais interminables, critères opaques, coûts exorbitants… En 2025, malgré les promesses de simplification, homologuer son diplôme en Espagne reste un véritable casse-tête pour les travailleurs étrangers.

Photo : Papernest

Ils sont diplômés de grandes écoles françaises, enseignants, coachs sportifs ou cadres dans le transport. Tous ont un point commun : leur parcours professionnel est freiné, voire bloqué, par un système d’homologation des diplômes en Espagne aussi kafkaïen que décourageant. Malgré les promesses d’accélération, ils dressent le tableau d’un labyrinthe administratif où les délais s’étirent sur des années et les incohérences s’accumulent.

Les professions réglementées – comme l’enseignement, la santé ou le transport – sont toujours soumises à des procédures longues et opaques. La reconnaissance d’un diplôme peut prendre jusqu’à cinq ans, avec des exigences fluctuantes selon les régions et les administrations. Pour Pauline, responsable commerciale dans le transport à Barcelone, l’homologation de sa capacité de commissionnaire s’est transformée en impasse : « Madrid et Barcelone se renvoyaient la balle. On m’a dit que je n’obtiendrais jamais l’homologation et que je devais repasser l’examen. »

Pour celle qui vit depuis une dizaine d’années dans la région, c’est la douche froide. Elle décide alors de passer un autre examen, similaire mais plus facilement accordé pour le transport de moins de 3,5 tonnes. Pour autant, la situation semble injuste, explique encore la trentenaire : « Lorsque j’ai pris contact avec Transports de Cataluña, on m’a expliqué que l’Espagne ne voulait pas que des étrangers homologuent leurs diplômes afin de maintenir une certaine souveraineté. »

« Je ne suis même pas sûr que toutes ces démarches suffisent »

Malgré tous ces errements, sur le papier, le système semble accessible. Pour homologuer son diplôme – européen, parce qu’hors-UE c’est autrement plus difficile – il faut se munir d’une copie de son passeport ou de sa carte d’identité, d’un certificat de diplôme du pays d’origine, d’un reçu du paiement des frais d’homologation et d’une preuve de compétence en espagnol, si demandé.

Mais dans la réalité, c’est une autre histoire : les démarches sont souvent complexes et très coûteuses. Anaïs, professeure d’anglais dans le secondaire, a attendu plus de trois ans pour faire reconnaître son diplôme de Sciences Po Lyon : « J’ai dû faire traduire mon diplôme et mes relevés de notes par un traducteur assermenté. Entre la taxe et les traductions, 300 euros. » C’est seulement en 2023 qu’elle a pu enfin exercer son métier.

Cédric (le prénom a été changé) professeur d’EPS formé en France, décrit un processus coûteux et incertain, qu’il vient tout juste d’entamer : « On m’a envoyé des devis pour les diplômes (environ 250€), puis je dois passer un examen d’espagnol (200€ + attente des prochaines sessions vers juin ce qui ralenti le processus), et quand on envoie les documents le processus dure environ 2 ans. Et au final, je ne suis même pas sûr que toutes ces démarches suffisent. »

Equinox Barcelone travail

Photo : mairie de Barcelone

Pourtant, quelques professions passent entre les mailles de ce chemin de croix, notamment les métiers moins réglementés. C’est le cas d’Haitem, arrivé à Barcelone en début d’année 2025. Coach sportif certifié EREPS et détenteur d’un diplôme britannique, son parcours a été plus fluide que d’autres en Catalogne : « J’ai passé trois entretiens, puis validé mon diplôme. Cela a pris environ 3 mois. »

Le cas d’Haitem illustre peut-être les nouvelles techniques utilisées par l’administration pour débloquer le problème, et qui ont l’air de faire leurs preuves. En 2024, l’Espagne a résolu 40 200 dossiers d’homologation et d’équivalence de diplômes étrangers, presque le double de l’année précédente. Le ministère de la Science, de l’Innovation et des Universités vise 80 000 résolutions en 2025, grâce à l’automatisation, à la validation groupée de dossiers similaires et à des accords bilatéraux.

Une envie de faire mieux également exprimée avec force par Pedro Sánchez, déjà en octobre dernier : « Nous allons accélérer l’homologation des diplômes pour ceux qui souhaitent venir travailler en Espagne et lancer un programme d’immigration de main-d’œuvre, comme le recommandent d’ailleurs toutes les institutions expertes en matière d’immigration. » Il y a donc de l’espoir.

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