Dès la fin mai, c’est le coup d’envoi de la saison haute. Barcelone se transforme en parc à thème moite, sonore et bondé. Impossible de flâner dans les ruelles du centre sans heurter un groupe de teutons en short, de prendre un café sans partager son intimité avec une tablée d’Anglais à la bière depuis 10h du matin, ou de profiter de la plage sans subir une playlist reggaeton hurlée par une enceinte JBL.
Pour ne pas sombrer dans la misanthropie et survivre à cette marée humaine, voici la carte des zones rouges, à fuir ou à traverser en apnée.
Le quartier gothique ou couloir de la mort de Barcelone
Piège classique du débutant. En voulant prendre un raccourci vers la plaça Reial, on se retrouve aspiré dans le dédale infernal du Gòtic. Ici, pas de gargouilles ni de minotaure : seulement une famille anglaise en claquettes, un guide qui hurle dans son micro, et un patineur kamikaze qui vous frôle à 30 km/h. Mais attention, il s’agit de garder le fil. Un moment d’inattention, et vous repartez sans téléphone ni portefeuille.
À éviter : du lundi au dimanche, de 9h à 3h du matin.
Astuce survie : lunettes noires, air pressé, et surtout ne jamais répondre aux démarcheurs de “mimosas all day”.
La Barceloneta : sous les touristes, la plage
Oubliez le sable fin et l’eau turquoise. L’ambiance est aux mouettes psychopathes, aux rats gros comme des chats, et aux ados avinés qui crient des paroles d’Avicii entre deux parties de volley. L’eau ? Plus chaude que l’air, trouble, collante.
Et même à l’aube pas moyen d’être tranquille, ils sont des dizaines dans l’eau à filmer le lever de soleil de leur paddle.
À éviter : tout le temps, sauf si vous aimez partager votre serviette avec le monde entier. Littéralement.
Astuce survie : criez au loup, ou plutôt, à l’alerte méduses.
Les Bunkers : cauchemar en altitude
Autrefois secret bien gardé des Barcelonais, les Bunkers sont aujourd’hui une extension non officieuse du festival Sónar. Si les pancartes et les graffitis anti-touristes ne vous ont pas convaincu de rebrousser chemin. Et, que tel Inoxtag à l’assaut de l’Everest, vous êtes prêt à vous lancer à l’assaut des marches qui vous séparent du graal : une photo panoramique de Barcelone ; puisse cet avertissement vous encourager à renoncer à cette quête insensée.
Là-haut, vous ne trouverez rien d’autre qu’un armée de narcissiques posant devant Barcelone comme il font devant la Joconde, Big Ben ou les pyramides, toile de fond interchangeable de leurs expériences oubliables.
À éviter : après 17h.
Astuce survie : y aller en novembre, sous la pluie.
La Boqueria : Disney version marché
Un mojito à 9€, des brochettes de fraise, et des hordes de touristes photographiant du jambon comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art. Les locaux n’y vont plus, sauf par accident ou avec un cousin en visite. Et la densité de shorts de bain, de tongs fatiguées et de tee-shirts aux slogans douteux atteint ici des niveaux stratosphériques. Bref, si vous souhaitez acheter votre vin trois fois plus cher que dans n’importe quelle bodega, vous faire passer devant dans la queue et insulter par un crackhead en sortant du marché, c’est par ici que cela se passe.
À éviter : dès 8h du matin, soit l’ouverture.
Astuce survie : feignez un régime cétogène ou une allergie au sucre.
Le boss ultime : Carrer de Blai
Impossible d’expliquer scientifiquement la concentration de Français au mètre carré dans cette rue mythique des pinchos. Spécialité basque devenue icône touristique, le pincho a tellement séduit les visiteurs que toute la Carrer de Blai s’est transformée en boucle temporelle : mêmes bars, mêmes boissons, mêmes assiettes, mêmes prix, et surtout, la même ambiance, clonée à l’infini.
Ajoutez-y des serveurs à bout de nerfs, des chaises métalliques qui crissent, et le ballet incessant des potes qui “arrivent dans cinq minutes”. Et vous voilà coincé dans Le jour sans fin version apéro low cost. Si vous avez le malheur de trouver une place, comptez sur un groupe de compatriotes fraîchement débarqués pour vous demander une clope “frère”, avant de s’extasier sur le prix du paquet ici, “non mais c’est ouf”.
Bonus : “Ah, tu viens de Paris ? Tu connais une Marie ?”
À éviter : entre 18h30 et 23h, tous les soirs, surtout du jeudi au samedi.
Astuce survie : vous avez déjà mangé mais connaissez un super spot pour une tranche de pizza sur le pouce.