Face à la crise du logement, les Barcelonais stockent leur vie dans des box

espace de stockage barcelone

Ils poussent comme des champignons, envahissant des immeubles entiers en plein centre de la ville. Pour compenser des logements toujours plus petits ou stocker des affaires toujours plus nombreuses, les espaces de stockage ont le vent en poupe à Barcelone. Décryptage d’un phénomène. 

Porté par la réduction de la taille des logements, l’explosion des prix de l’immobilier et le besoin croissant d’espace personnel, le marché du trastero est en plein essor dans la capitale catalane avec désormais 550 entreprises du secteur actuellement, par rapport à une poignée il y a seulement 15 ans.

À Barcelone, où les prix de l’immobilier atteignent des sommets et les appartements deviennent de plus en plus exigus, la demande d’espaces de rangement explose. Le marché espagnol dépasse aujourd’hui le million de mètres carrés de trasteros, avec Madrid et Barcelone concentrant à elles seules la moitié de l’offre, selon un rapport de l’agence Savills. Depuis la pandémie, le secteur croît en Espagne de 10 % au-dessus de la moyenne européenne, reflétant une hausse du prix des loyers galopante ces cinq dernières années.

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 « J’y ai mis des petits meubles, des appareils de cuisine, une télévision et d’autres choses en attendant de trouver un nouvel appartement, et aussi quelques vêtements que je n’ai pas la place de mettre dans ma chambre », explique Ana, croisée devant un immeuble de stockage situé face aux arènes de la Monumental. La trentenaire, originaire du sud de l’Espagne, a pris ce box en septembre dernier, quand elle a dû opter pour une colocation après une séparation. « C’est censé être temporaire, mais je galère à trouver un appartement pour moi toute seule et dans mes prix. » Pour environ 90 euros par mois, elle stocke donc sa vie dans quelques mètres cubes où rien n’est rangé au hasard et surtout habilement empilé, façon Tétris. « Aujourd’hui, l’espace de stockage est perçu comme une extension du foyer », observe Jonathan Rocotovich, fondateur de l’entreprise spécialisée MultiTrastero. Jordi, la quarantaine sportive, entrepose ici ses affaires de camping et ses outils de bricolage. « Je n’ai plus trop de place chez moi, c’est pratique. »

Selon les données de l’Association espagnole du self-storage (AESS), les locataires de box ont entre 35 et 65 ans, habitent à moins de 10 minutes de leur espace de stockage et louent en moyenne pour 11 mois. Mais, au-delà des moyennes, « de nombreux usagers prolongent leur location sur plusieurs années, souvent sans date de fin définie, car ils continuent à en avoir besoin ou ne trouvent pas d’alternative », détaille l’association. La solution séduit aussi entreprises et autoentrepeneurs qui y entreposent des marchandises, des outils, des archives ou parfois du mobilier entre deux déménagements.

Un véritable investissement immobilier

Mais le phénomène n’a pas non plus échappé aux investisseurs. Contrairement à l’achat d’un appartement, un trastero coûte entre 6.000 et 9.000 euros, une somme accessible à de nombreux épargnants. Et la rentabilité est au rendez-vous : jusqu’à 8,5 %, voire 10 % pour les modèles vendus avec “loyer garanti”.

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« C’est une investissement stable, peu risqué, avec peu de frais de gestion, et une demande constante si l’emplacement est bien choisi », estime Sergio Gutiérrez, spécialiste en investissement immobilier. La croissance rapide du marché attire aussi des investisseurs aguerris. Convertir un local commercial peu exploité en espace de stockage est devenu une option courante dans certains quartiers. « Le coût des travaux est faible, la demande est forte, et la réglementation très souple », analyse l’expert.

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Il note aussi que la loi sur les trasteros est plus flexible que celle sur les logements, ce qui laisse plus de marge aux propriétaires sur les loyers et la durée des contrats. Avec toutefois un bémol : « De nombreux trasteros sur le marché ne sont pas aux normes, sans licence d’activité ni mesures de sécurité. Cela limite leur assurabilité et peut mettre en danger les biens stockés. » Un bon filon… à exploiter donc avec prudence.

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