Travailler à la française, vivre à l’espagnole : la double vie des expats de Barcelone

Pas de décalage horaire, mais un vrai décalage d’horaires. À Barcelone, les expats français employés dans des boîtes tricolores vivent à l’heure de Paris : pauses dej anticipées, jours fériés décalés… Cette vie un peu à côté nuit-elle à l’intégration ? Témoignages.

Photo : Papernest

« Quand je vais au travail à 8h30 le matin, c’est vrai que ça fait un peu bizarre de ne voir personne dans la rue », sourit Pierre-Howard, 25 ans, commercial chez ESG, un groupe français créé en 2024. Dans son entreprise, pourtant située en plein coeur de Barcelone, sur le Passeig de Gràcia, on vit à la française. Les employés qui s’occupent du marché tricolore travaillent de 9h à 18h, et la pause dej démarre à 12h15 afin d’être raccord avec les horaires de leurs clients travaillant dans l’Hexagone. Un rythme pas si contraignant, raconte Pierre-Howard, citant notamment les jours fériés : « Je peux rentrer plus facilement chez moi quand on a les ponts », explique encore ce Nantais.

Mais ce fonctionnement a des ratés. Le commercial nous raconte par exemple que le 6 décembre, jour férié en Espagne mais pas de l’autre côté des Pyrénées, lui et son équipe n’ont pas pu entrer dans leur immeuble, faute de gardien pour leur ouvrir.

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Depuis, ils s’arrangent mieux, faisant en sorte que quelqu’un ait toujours les clés de l’édifice. Dans l’ensemble, la vie est quand même agréable et n’empêche pas ces expats de profiter des weekends ou des soirées pour connecter a la vie barcelonaise. Et le reste du temps, ils le passent en symbiose avec leurs collègues français, branchés sur le même rythme.

Seuls, on est plus décalés

Là où le bât blesse, c’est davantage pour les employés en freelance et les nouveaux arrivés. C’est en tout cas l’avis de Carole, 58 ans, consultante en freelance pour LVMH à Paris et parallèlement gérante d’une boutique à Barcelone.

Celle qui habite depuis 10 ans dans la région reconnait qu’elle assume son choix mais que cette vie en décalage est parfois difficile : « Quand je suis à Paris, c’est ok car ce sont les horaires parisiens, mais même là-bas à midi quand les gens vont manger, moi je n’ai pas faim. Et quand je suis en télétravail depuis Barcelone, de 13h30 et 14h j’ai des réunions à l’horaire français donc je ne peux pas sortir manger, je suis enfermée chez moi. Alors il faudrait que j’aille déjeuner avant mais à 12h autour de chez moi, rien n’est ouvert : je suis complètement décalée par rapport à tout le monde. »

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Photo : Unsplash

Cette réalité est partagée par un bon nombre de digital nomads, et ressentie avec encore plus de force par ceux qui viennent tout juste d’arriver à Barcelone. Anne, freelance en prestation de service arrivée il y a 3 semaines, s’est faite à l’heure espagnole et peine avec ce changement : « Je trouve ça difficile. A 13h30 je dois y retourner alors qu’on n’a même pas envisagé de commencer à manger ! » Les nouveaux arrivants, souvent hyper motivés à l’idée de s’adapter le plus vite possible à leur nouvelle vie et se faire au rythme à l’espagnole, se trouvent bien déboussolés par le maintien des horaires tricolores.

Finalement, cette dissonance reste plus vivable qu’un vrai décalage horaire, raconte encore Carole, qui pour LVMH collabore parfois avec les Etats-Unis : « Je ne vous raconte pas quand j’ai des meetings avec la Californie. Les gens ici ne comprennent pas que quand on vient me livrer un colis, je ne suis pas en pause dej mais en réunion. C’est un peu rigolo, mais parfois ça gave. »

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