Pour freiner l’arrivée du 3ème âge, des chercheurs de Barcelone ont décodé les origines du vieillissement du sang et peuvent ainsi favoriser l’évolution de certaines maladies.
Photo de couverture : Clémentine Laurent
Nous ne sommes pas dans la série dystopique Black Mirror. Des scientifiques barcelonais ont mis au point un outil inédit baptisé EPI-Clone. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature, pourraient bouleverser le diagnostic de pathologies comme la leucémie, et ouvrir la voie à des traitements pour freiner le vieillissement. Chaque jour, la moelle osseuse fabrique les globules rouges, blancs et plaquettes indispensables à la vie. Mais cette chaîne de production change avec l’âge : certaines cellules s’épuisent, d’autres prennent le dessus. À long terme, ces déséquilibres augmentent le risque de maladies cardiovasculaires ou hématologiques. Pour la première fois, dans l’histoire scientifique, des chercheurs barcelonais sont parvenus à suivre ce processus à l’échelle cellulaire.
« Quand nous sommes jeunes, des centaines de milliers de cellules-souches produisent nos milliards de cellules sanguines. Mais avec l’âge, certaines s’éteignent, d’autres se multiplient de façon clonale, parfois au détriment de la diversité », explique Alejo Rodríguez-Fraticelli , co-auteur de l’étude avec Lars Velten. Et ce sont ces clones dominants qui, selon eux, seraient liés à un risque accru de maladies inflammatoires ou de cancers du sang.
Les chercheurs ont découvert que ces clones laissent une sorte de code-barres dans l’ADN : un système de marquage transmis lors de chaque division des cellules. Grâce à ce « code de famille », les scientifiques peuvent reconstituer l’histoire de chaque cellule et cartographier l’expansion clonale dans l’organisme. Dès l’âge de 60 ans, l’expansion de certains clones devient presque inévitable. Chez les personnes centenaires, la quasi-totalité du sang peut provenir de seulement deux ou trois cellules mères clonées. Autre constat : les clones les plus actifs ont tendance à produire des cellules myéloïdes, des cellules immunitaires associées à l’inflammation chronique, ce qui pourrait expliquer certaines pathologies liées à l’âge.
Vers une médecine préventive du vieillissement ?
Pour les auteurs, cette découverte ouvre des perspectives immenses : pouvoir repérer très tôt la perte de diversité des cellules mères dans la moelle osseuse pourrait permettre un diagnostic précoce de certaines maladies, mais aussi envisager des traitements pour maintenir la diversité cellulaire. « Imaginez un test de routine capable de mesurer le niveau de clonage des cellules-souches, comme on surveille aujourd’hui le cholestérol », projette Rodríguez-Fraticelli. Le coût actuel reste élevé (5 000 € par patient), mais les chercheurs espèrent le ramener à 50 €, un seuil qui rendrait possible un dépistage à grande échelle dans les populations à risque.
Mais un chemin scientifique, plus ou moins long, reste à parcourir. Les chercheurs doivent encore identifier les clones les plus problématiques, ceux qui mériteraient une surveillance clinique. Certaines hypothèses émergent : les infections virales pourraient accélérer la perte de diversité des cellules mères, même dès 50 ou 60 ans. Mais les chercheurs catalans sont sur la bonne voie pour révolutionner la compréhension du vieillissement à l’échelle cellulaire.
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