À Barcelone, ces restos qui défendent les habitués avant les touristes

À Barcelone, toute la ville est occupée par des restaurants attrape-touristes, servant des paellas surgelées et des sangrias coupées à la limonade. Toute ? Non ! Une poignée d’établissements résiste encore et toujours à la bête capitaliste. Ces restaurants, peu nombreux mais bien présents, refusent de céder aux sirènes de la facilité et privilégient leurs habitués. 

Nous en parlions il y a quelques semaines, nombreux sont les restaurants de la cité comtale qui profitent de l’ignorance des touristes en termes de gastronomie pour les gruger. Ils leur font payer le prix cher des tortillas industrielles ou des riz prêts en une dizaine de minutes, argumentant que c’est un business plus juteux que celui du fait-maison. Mais dans le coin opposé du ring du repas se trouvent les établissements qui au contraire, prônent la qualité et le service aux locaux, malgré l’apparente difficulté (économique) de l’entreprise.

Parmi ceux-ci se trouve El Glop, un restaurant de paella fondé en 1975, qui a ouvert trois succursales dans Barcelone (à Gràcia, Sagrada Família et Plaça Catalunya). Archi-populaire, l’établissement est aussi apprécié des touristes que des locaux. Pourtant, malgré ce succès, il ne change pas ses prix et n’arnaque personne.

Pour Gabriel, responsable de l’antenne de la Sagrada Família, c’est une histoire de bon sens : « Peu importe qui vient manger ici, que ce soit un touriste ou un local, nous on s’adapte à chaque client et on lui donne le meilleur. […] On a deux autres établissements à Barcelone, dans des endroits moins touristiques et quand on a ouvert celui-ci, on aurait pu monter les prix pour les touristes, mais ce n’est pas nous. […] On a un site web très clair, une carte avec les prix affichés et les origines des produits. Ici, aucun serveur ne va t’arnaquer, car tout est écrit : pour nous, la transparence, c’est la base. »

Une transparence qui porte ses fruits : El Glop n’est pas complet tous les soirs, mais presque. Miser sur l’authenticité est en effet un bon moyen de se constituer une clientèle fidèle qui s’occupe ensuite de faire du bouche-à-oreille. Surtout qu’à Barcelone, C’est notamment ce qui se passe au Snack 55, situé sur le Passeig Sant Joan.

Equinox Barcelone bar restaurant

Ouvert depuis 45 ans, ce bar-restaurant accueille des touristes le soir – tellement qu’ils doivent prendre un ticket et attendre leur tour pour s’asseoir en terrasse – mais des locaux durant la journée.

Alex, 22 ans, arrière-arrière petit-fils du fondateur le confirme, ici, c’est local et ils ne veulent changer ça pour rien au monde : « On fait partie du peu d’Espagnols qui restent dans le quartier. Si on augmentait les prix je pense que ça changerait l’essence même du bar, et on perdrait la clientèle locale, la vie du quartier et la relation aux gens. » 

Payer moins cher pour manger mieux

Les prix justement sont le nerf de la guerre. Au Snack 55 comme à El Glop, les tarifs sont dignes de Barcelone en 2010, avant que les digital nomads n’augmentent le coût de la vie. Par exemple, une paella peut coûter jusqu’à 25-30 euros dans les zones touristiques, contre 17,90 euros à El Glop. Au Snack 55, les patatas bravas sont à 3,75 euros et les bières à 2 euros.

Mais comment font-ils pour ne pas être déficitaires ? La réponse est simple : le temps. Forts de leurs 45 ans d’existence, les deux restaurants savent où acheter à bas prix et ont une clientèle qui ne désemplit jamais grâce à des avis dithyrambiques laissés par des clients contents depuis des générations. Leur réputation ne tient pas à une tendance Instagram comme ça peut être le cas pour d’autres restaurants à la mode.

Et puis finalement, ne pas arnaquer les gens, c’est aussi une faire preuve d’éthique, conclut Gabriel, adepte du « ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse » : « Nous, on accueille les locaux comme les étrangers, et d’ailleurs on facilite la vie des touristes car moi quand je pars en vacances, je peux être un peu perdu, donc je fais ce que j’aimerais trouver à l’étranger. On a des voisins qui viennent manger, des Catalans qui ont toujours vécu ici, et puis à côté tu as des Coréens, et tout le monde est content. »

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