Montgat, la petite ville catalane qui a perdu sa plage : et si Barcelone était la prochaine ?

Plage Barcelone

À seulement 14 kilomètres de Barcelone, Montgat fait aujourd’hui figure de symbole. Celui d’un littoral catalan en péril, rongé année après année par la montée des eaux et l’érosion du sable. À qui le tour ?

La plage de la Barceloneta. (Crédit : Paula Jaume)

Autrefois station balnéaire prisée, cette commune de 12.600 habitants a vu ses plages quasiment disparaître en moins d’une décennie. Can Tano, Montsolís, Toldos : ces noms évoquaient autrefois des étendues de sable, des parasols et des après-midi d’été bondés de monde. Aujourd’hui, ce sont des souvenirs engloutis. Même Les Barques, autrefois la plage la plus populaire des environs, a perdu plus de 70 % de sa surface.

« À Montgat, la dernière portion de sable a disparu à l’automne 2023. La plage des Barques s’est envolée en quatre jours. Elle a reculé de 70 mètres », nous explique Daniel Palacios, chef du service des plages de l’aire métropolitaine de Barcelone (AMB).

Résultat : au pied de la Riera de la Font, les escaliers ne mènent plus à rien : suspendus au-dessus du vide, ils surplombent désormais les vagues. La situation est telle que la ligne R1 de Rodalies, qui longeait autrefois paisiblement le sable, se retrouve désormais à quelques mètres à peine de l’eau.

Un été amputé, un budget en berne

L’impact est bien réel sur la vie locale. Montgat a perdu un million d’euros de recettes par an depuis la pandémie, selon le premier adjoint au maire, Raül Abad. L’équation est simple à comprendre : avec moins de sable, les touristes ne viennent plus. Fini les chiringuitos — cinq autrefois, chacun rapportant 50.000 euros de redevance. Fini les parkings pleins — la zone bleue ne génère plus que 30% de ses revenus estivaux habituels. Le budget municipal, d’à peine 15 millions d’euros, en subit directement les conséquences.

Daniel Palacios confirme : « Il y a dix ans, Montgat accueillait près d’un million de visiteurs en été. L’an dernier, ils étaient à peine 100.000. La plage comptait cinq zones de chiringuitos : aujourd’hui, il n’en reste aucune. »

Les chiffres du dernier rapport de l’AMB (février 2024) confirment l’ampleur du phénomène : le niveau de la mer monte de 5,6 mm par an sur la côte métropolitaine. En 25 ans, la hausse cumulée atteint 14 centimètres. Et les vagues sont plus hautes, plus fréquentes, plus destructrices. Montgat y est désigné comme le cas le plus critique de toute la côte.

Un plan de sauvetage… encore hypothétique

Face à l’urgence, le ministère de la Transition écologique a bien un plan : installer des espigones submergés, sur le modèle de ceux déjà en place à Premià de Mar. Mais l’étude d’impact environnemental n’est pas terminée, et les travaux ne pourraient commencer que dans deux ou trois ans.

En attendant, Montgat tente de gratter du sable ailleurs. Un projet d’aspiration depuis le port du Masnou avait été acté avec l’AMB, mais le sable a finalement été détourné vers le port de Balís, plus éloigné et donc plus coûteux à transporter. « On n’a pas les moyens seuls », reconnaît Raül Abad. La ville vient pourtant d’investir 1,5 million d’euros pour dépolluer une zone du littoral et prolonger la promenade maritime.

Dans l’opposition, les critiques fusent. L’ex-maire Rosa Funtané (ERC) dénonce l’inaction municipale et une perte de patrimoine irréversible. Daniel Fuentes (Montgat En Comú Podem) déplore, lui, une hausse de 50% de l’IBI (impôt foncier) pour compenser les pertes touristiques, sans réelle planification à long terme : « On fait payer les habitants parce qu’on perd des revenus, mais rien n’est fait pour traiter la cause », déclare-t-il à El Pais.

Daniel Palacios déplore lui aussi un manque de moyens, et surtout de volonté, dans le chef du gouvernement régional. Car si protéger les plages coûte cher, tout est relatif, selon lui : « Comparé à un kilomètre de TGV ou d’autoroute, c’est peu. C’est une question de priorité politique. On investit des millions dans des ports de plaisance, mais pas dans les plages, qui sont pourtant notre première ligne de défense contre la mer. »

Et Barcelone ?

Ce qui se passe à Montgat n’est peut-être qu’un prélude pour le reste du littoral. Selon l’AMB, d’autres plages de la métropole sont en danger : Badalona, El Masnou, Premià… et à terme, certaines zones de Barcelone.

« Badalona est aussi en difficulté », prévient ainsi Daniel Palacios. « La plage de Barca María a disparu il y a deux ans. Un peu de sable est revenu, mais toutes les installations sont perdues. Et ailleurs dans la ville, on a dû démonter des douches, des jeux pour enfants, car la plage a reculé. »

Même Barcelone n’est plus à l’abri. « Lors du même épisode qui a englouti Montgat, la plage de Nova Marbella à Barcelone a été entièrement emportée. Une partie du mur de soutènement et de la promenade maritime s’est effondrée », alerte-t-il. « Le sable ne revient plus naturellement. Nous avons tellement modifié les systèmes côtiers — ports, barrages, canalisations — que l’écosystème n’a plus la capacité de se maintenir seul. Si nous ne faisons rien — ni apports de sable, ni infrastructures de protection —, les plages finiront par disparaître. »

Si les plages de Barcelone sont mieux protégées — issues des JO de 1992, elles sont dotées de nombreux espigones —, elles ne sont pas épargnées. « Depuis 2010, la ville a perdu la moitié du sable déposé lors de la dernière grande opération. Et ça continue. » Il conclut avec lucidité : « On ne pourra pas sauver toutes les plages. L’Espagne compte 3.500 kilomètres de côte. Mais dans les zones les plus denses, où se concentrent les infrastructures critiques, on doit tout faire pour préserver la fonctionnalité des plages pendant encore 10 à 20 ans. »

Le test sera politique autant que climatique : quelles plages seront sauvées ? Lesquelles seront sacrifiées ? En attendant, on regarde la mer gagner du terrain, mètre par mètre.

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