Tous les 23 juin, l’Espagne fête la Sant Joan. Chaque rue, chaque place résonne de pétards, de feux et d’autres réjouissances explosives. Mais cette tradition bruyante et polluante commence sérieusement à sentir le soufre.
Photos : mairie de Barcelone
Depuis 2019, l’Union européenne mène une bataille acharnée contre les plastiques à usage unique comme les pailles, les couverts en plastique ou les cotons-tiges. En Espagne, un nouveau projet de loi cible désormais les lingettes jetées dans les toilettes et les ballons dits « festifs ». Leur impact environnemental, comme celui des autres produits à usage unique, est vivement dénoncé.
En ce qui concerne les ballons, le gouvernement souligne que leur usage lors d’événements en plein air favorise les lâchers volontaires : une pratique encouragée par la culture festive et difficile à encadrer, malgré son impact écologique.
Et si on remplaçait le mot « ballons » par « pétards » ? Les ballons festifs ont exactement le même impact que les pétards et la même utilisation. Pourtant, les pétards – en particulier ceux utilisés lors de la Sant Joan – ne sont jamais dans le viseur du gouvernement. Une surprise, quand de nombreuses études établissent un lien direct entre ces détonations et la pollution de l’air. À Valence, une recherche a montré que les métaux libérés par les pétards de la Sant Joan peuvent favoriser l’asthme, les troubles cardiovasculaires, voire certaines maladies neurodégénératives.
Au-delà des coûts pour la santé, la fête a aussi un vrai impact économique et humain. L’année dernière à Málaga, 23 tonnes d’ordures ont été ramassées et les dégâts au mobilier urbain ont coûté 14 000 euros. Pour tout nettoyer, la mairie a mobilisé 227 agents. À Valence, 70 000 kilos de déchets ont été ramassés et 14 personnes arrêtées.
À Barcelone, où il s’agit de la deuxième fête la plus populaire après le Nouvel an, la seule règle est l’interdiction de lancer des pétards à la plage. Mais personne ne la respecte et malgré cette année un déploiement particulier de pompiers et forces de l’ordre, le scénario est toujours similaire : chaque année, la Sant Joan laisse son lot d’arrestations, d’incendies et de débordements.
La pollution sonore, un calvaire
Festive pour certains, la Sant Joan tourne au cauchemar pour d’autres. Les publics sensibles au bruit comme les personnes sur le spectre autistique ou certains enfants ne prennent guère goût au brouhaha qui dure parfois près d’une semaine.
Les animaux aussi subissent le chaos de la Sant Joan. Terrifiés par le vacarme, ils tremblent, fuient, ou restent prostrés des heures durant, à tel point que certains médias ont concocté des articles de solution, « Comment aider votre animal à mieux supporter la Sant Joan ? » Et si, au lieu de guérir les blessés, on allait à la source du problème ?
La question de la Sant Joan est épineuse : on rechigne à priver les habitants d’une tradition qui leur est chère, mais à bien des égards, cette fête semble dépassée. Certains tentent de trouver des solutions, comme ces vendeurs de pyrotechnie qui commercialisent des pétards à « bas bruit » censés limiter les décibels.
Dans cette même optique, des collectifs d’habitants de la Barceloneta organisent une « Sant Joan durable ». Sur la plage, le public est invité à se rassembler et à fêter « sans alcool, sans déchets et de manière inclusive ». Bien que l’intention soit louable, l’initiative ne soulève pas les foules. L’année dernière, seulement 150 personne s’y sont rendues. C’est bien connu : rompre avec la tradition est une activité solitaire.