Crise du logement à Barcelone : entre régulation des loyers et recul de l’investissement

Alors que Barcelone tente d’enrayer la flambée des loyers avec une régulation stricte, la mesure engendre des effets secondaires qui fragilisent d’autant plus le marché immobilier. Retrait des investisseurs, chute de l’offre locative et détournements vers la location saisonnière : la ville voit son marché locatif se contracter fortement, fragilisant davantage l’accès au logement.

« La réglementation des loyers à Barcelone me contraint à vendre mes biens d’ici peu ». Audrey, 46 ans, propriétaire de plusieurs logements au sein de la cité comtale, subit de plein fouet les mesures visant à faciliter l’accès aux logements à Barcelone. Et pour cause, en l’espace de 10 ans, les loyers à Barcelone ont effectivement explosé, +70 % selon le site immobilier Idealista, passant en moyenne de 735 € à 1 235 € par mois. Un contexte tel qui a engendré la perte d’environ 30.000 logements disponibles pour les locataires barcelonais depuis 2023. Face à cette conjoncture, la Catalogne a mis en place cette même année une loi encadrant les loyers dans les zones dites « sous tension », s’appuyant sur un indice de référence.

Contourner les réglementations

La mesure a permis une baisse modérée des loyers : –6,4 % à Barcelone et –3,7 % en Catalogne, seulement un an après son entrée en vigueur. Cependant, cette législation n’est pas sans conséquence et a apporté son lot d’inconvénients. Celle-ci a effectivement entraîné une chute drastique de l’offre de location longue durée dans la capitale catalane. Elle varie de –47 % à –65 % sur certains marchés catalans. Les bailleurs privilégient désormais les locations saisonnières, soit 11 mois maximum, échappant ainsi à la loi.

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Autre conséquence non-négligeable, les grands propriétaires se retirent progressivement du marché locatif et mettent en vente leurs biens. Ce recul des investisseurs prive, sur le long terme, le marché locatif, aggravant ainsi la pénurie à Barcelone à travers une hausse des loyers à moyen terme, faute d’offre suffisante.

Un marché de l’investissement en replis

Le repli significatif des investisseurs immobiliers à Barcelone témoigne de la tension engendrée par la législation. En 2024, les achats à des fins d’investissement ont chuté à 23,9 % des transactions, contre 30 % en 2023, d’après les chiffres de la plateforme Idealista. Un phénomène que comprend la française Audrey, installée à Barcelone depuis plus de 10 ans. « Cette loi n’est pas vraiment rentable pour les propriétaires. Nous sommes contraints de brader en quelques sortes nos biens. J’ai trois T2 bis qui ont été totalement rénovés et offrent des prestations de qualité dans de bons quartiers de Barcelone, et je me vois mal les proposer à la location pour moins de 1.200 euros », déplore-t-elle.

Lire aussi : comment faire baisser les loyers en Espagne ? 

Selon l’agence Cushman & Wakefield, les investissements annuels estimés à 150 M € se sont réduits à presque zéro en 2023 à Barcelone, à cause des incertitudes et du risque locatif. En parallèle, Madrid résiste mieux, attirant encore environ 33 % des ventes via investisseurs, soit 1 transaction sur 3.

Cette fuite des investisseurs entraîne donc une contraction de l’offre locative, qui risque de déstabiliser et de fragiliser davantage le marché. « Pour être efficaces, ces régulations doivent être accompagnées de création massive de logements sociaux, de stratégies pour maintenir l’équilibre entre rentabilité et droit au logement », estime, quant à lui, l’économiste catalan Josep Miro. Le marché de l’immobilier barcelonais semble s’enliser un peu plus dans la crise.

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