À la tombée de la nuit, en plein été, Barcelone ne s’endort jamais vraiment. Entre la chaleur intense, le passage des camions poubelles, l’invasion des insectes et le vacarme des rues, la cité endiablée transforme les rêves en cauchemars.
Dormir la fenêtre ouverte est la plus grande tentation du Barcelonais en ce mois de juin, marqué par la température moyenne la plus élevée jamais mesurée avec un pic à 37,9 °C. Pour les foyers ou colocations non climatisées, qui dit fenêtres ouvertes entend bruits extérieurs.
Premier ennemi du sommeil : le passage du ramassage des ordures. La collecte générale quotidienne des containers commence à partir de 22h. Mais il faut ajouter également des tournées supplémentaires pour retirer les encombrants une fois par semaine. Pourquoi la nuit ? Pour ne pas compliquer une circulation routière déjà saturée, répond la mairie. Mais, aussi, pour les effluves odorants désagréables. D’autant plus qu’à Barcelone, containers à poubelles et terrasses de bars-restaurants cohabitent à plus d’une occasion.
Cependant, le conseil municipal, suite à une ribambelle de plaintes devant le défenseur des droits, a dû mettre depuis 2023, un terme à la collecte nocturne des bouteilles de verre. Un supplice auditif qui montait à près de 85 décibels et un réveil en sursaut garanti quand le nombre de décibels ne doit pas dépasser les 35 dB pour un bon sommeil. Conscientes du problème, les équipes municipales mettent en place des alternatives comme des aspirateurs pneumatiques mais c’est encore trés loin de couvrir l’ensemble de la collecte.
Les rôdeurs nocturnes
Mais il y a un bruit plus insupportable encore pour l’oreille humaine : celui des noctambules, qui peuvent rapidement transformer l’été en une saison de nuits blanches. Elodie*, Nordiste installée à Barcelone depuis un an, vient de comprendre sa douleur auditive. « J’entends toujours des gens parler, mais je me suis habituée et je dors bien. Mais cette semaine, une fille hurlait sous ma fenêtre pour parler avec quatre de ses amies assises sur un banc », raconte-t-elle, encore en colère.
La jeune femme occupe avec son petit ami la chambre d’une colocation située en plein quartier gótic. « A 4h du matin, je m’habille et je descends pour lui dire en face : soit tu continues à hurler, mais tu changes de rue, soit tu restes ici et tu gardes le silence ». Finalement, l’indésirable a tourné les talons pour poursuivre sa nuit, dans un autre coin de la ville. Le petit ami d’Élodie a écrit dès le lendemain à la mairie de Barcelone pour demander le retrait de ce banc qui attire selon lui une faune nocturne particulièrement bruyante.
Vue depuis la chambre d’Elodie
Des nuits cafardeuses
Et si on pensait en avoir terminé, détrompons-nous. Avec la chaleur et le bruit, un autre fléau s’abat sur Barcelone : les insectes. À cause de l’humidité méditerranéenne, les moustiques, y compris les cafards et le redoutable moustique-tigre, pullulent à partir du printemps. Non seulement ces nuisibles piquent, mais leurs bourdonnements peuvent aussi réveiller ceux qui ont un sommeil plus léger. Comme l’Égypte biblique, Barcelone semble souffrir des plaies d’insectes.
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« Quand j’habitais au premier étage d’un immeuble de l’Eixampe, juste au-dessus d’un restaurant, je n’arrivais pas à m’en débarrasser pendant l’été, j’étais devenue parano, j’en voyais partout », raconte Alice, qui depuis a déménagé dans un ático, au huitième étage.« Les cafards ont besoin de deux éléments pour se sentir bien : de la chaleur et de l’eau, alors les conditions climatiques de Barcelone favorisent leur prolifération tout au long de l’année, mais surtout d’avril à octobre », explique un expert de Nocucas, entreprise spécialisée dans l’éradication des nuisibles, « la présence de nombreux bars et restaurants, qui génèrent chaleur, nourriture et déchets, favorise aussi leur prolifération dans ces zones. » Et il faut dire qu’avec près de 10.000 bars et restaurants à travers la ville, les cafards ont de quoi se sentir parfaitement à l’aise.
L’heure des moustiques
En outre, à chaque ruelle barcelonaise humide, bruissent les moustiques. Le tigre, endémique depuis plusieurs années sur la côte, prolifère davantage cette saison à cause d’un hiver doux, d’un printemps riche en précipitations et d’un été qui a commencé en trombe : un cocktail parfait pour sa multiplication accélérée.
Et pour finir de tuer les moments de repos, les papillons de nuit envahissent joliment nuits et fenêtres. Avec leur envergure de 4 à 5 cm, venus du nord de l’Afrique , ils donnent parfois l’illusion de “petits oiseaux nocturnes”. Un spectacle dû là aussi en raison d’une météo exceptionnelle : pluie printanière intense, chaleur soudaine, raréfaction de leurs prédateurs – en particulier les oiseaux – et une végétation luxuriante qui leur offre un terrain de reproduction rêvé.
Des agents municipaux font des tests sur la présence des moustiques
Autant dire que tenter de dormir en été à Barcelone peut devenir un vrai défi, et n’est pas sans incidence sur la vie quotidienne. La Société espagnole du sommeil rappelle que des études ont déjà démontré qu’à moyen et long terme, les problèmes de repos nocturne sont corrélés à une augmentation considérable du risque de développer diverses maladies, y compris des troubles cardiovasculaires, métaboliques et hormonaux, neurodégénératifs et mentaux.
*prénom d’emprunt
