Cet été, Equinox rouvre les dossiers criminels les plus marquants d’Espagne. Enquêtes glaçantes, disparitions mystérieuses, procès médiatiques : retour sur ces histoires vraies qui fascinent autant qu’elles dérangent.
C’est notre série estivale, avec un nouvel épisode tous les dimanches.
Septembre 2013 à St-Jacques de Compostelle, une fillette au regard curieux et au pas discret disparaît. Quelques heures plus tard, son corps est retrouvé dans un bois. Elle s’appelait Asunta Basterra Porto. Elle allait avoir 13 ans. Ce qui ressemblait à un drame familial va vite devenir l’un des faits divers les plus choquants du pays.
Rosario Porto et Alfonso Basterra formaient ce qu’on appelait « une famille modèle ». Bourgeois, instruits, reconnus dans leur ville. Rosario est avocate, fille unique d’un couple très influent en Galice. Alfonso est journaliste économique. En 2001, ils adoptent une petite fille chinoise âgée d’un an : Asunta. À l’époque, l’événement fait parler. C’est la première enfant chinoise adoptée dans la capitale galicienne. On les voit dans les journaux, posant tout sourire. Promenades dans les parcs, balades en famille. L’image est lisse.
Mais en 2011, tout bascule. Rosario perd ses deux parents à quelques mois d’intervalle. Pas d’autopsie, pas de maladies connues mais un héritage conséquent. Elle, qui a déjà connu la dépression dans sa jeunesse, s’effondre à nouveau. Anxiolytiques, allers-retours à l’hôpital… Cette vie jusqu’à présent idyllique se fissure.
Un an plus tard, elle noue une liaison avec un riche homme d’affaires espagnol, que va rapidement découvrir son mari. Ils divorcent en février 2013. Une séparation atypique puisqu’ils continuent d’élever Asunta sous le même toit.
Un samedi pas comme les autres
En automne de la même année, la petite Asunta passe l’après-midi avec sa mère dans leur résidence secondaire, à Teo, une commune tranquille entourée de forêts. Le soir, Rosario part avec Asunta en voiture. Des caméras les filment à Saint-Jacques. Sur les images, la fillette paraît étrange, presque absente, comme à moitié endormie. À 22h30, Rosario appelle la police : sa fille a disparu. Alfonso est avec elle. Ils disent ne pas comprendre.
Un peu plus tard, dans cette même soirée, deux promeneurs avancent sur un chemin forestier à la lisière de Teo, non loin de là. La nuit est tombée, mais une silhouette pâle attire leur regard. Ils s’approchent. Étendue dans l’herbe, c’est Asunta, ligotée, asphyxiée. Et surtout, droguée. Elle a avalé une énorme quantité de Lorazépam, un puissant anxiolytique utilisé pour traiter les problèmes d’anxiété. Selon les expertises médicales, le jour de son décès, elle aurait avalé une vingtaine de comprimés, soit plus de neuf fois la dose élevée pour un adulte.
Pire. Les analyses montrent qu’elle en consommait régulièrement depuis l’été. Deux mois plus tôt, ses professeurs s’étaient étonnés de l’état de somnolence de leur élève et en particulier le 21 septembre. Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent et les parents deviennent les suspects numéro 1.
Des questions qui restent sans réponse
Mais pourquoi avoir tué leur fille adoptive ? Voilà ce que tout le monde se demande à l’époque en Espagne. Pendant le procès, aucun vrai mobile n’émerge. Certains parlent de manipulation, d’une envie de contrôle, voire d’un besoin d’exister à travers le drame. Ou tout simplement la petite Asunta était devenue un fardeau pour ce couple qui ne se supportait plus, un lien qui les forçait à se voir au quotidien.
Eux continuent de nier. L’ambiance du procès est pesante, presque irréelle. La mère et le père assis dans le box des accusés, évitant de se regarder.
En 2015, les deux sont condamnés à 18 ans de prison. Rosario est transférée à la prison de Brieva, puis à celle d’A Lama. Elle n’y survivra pas : en novembre 2020, elle se suicide dans sa cellule. Elle avait 54 ans. Alfonso, lui, est aujourd’hui enfermé à Salamanque. Il y vit une relation amoureuse avec une autre détenue et continue de clamer son innocence.
L’histoire a bouleversé tout le pays, y compris la Catalogne. Rosario venait souvent à Barcelone, elle y avait des contacts, des projets. Les médias en ont fait un feuilleton national : chaque détail, chaque échange du couple a été analysé. L’opinion publique est restée choquée. Comment des parents, apparemment aimants, ont-ils pu en arriver là ?
Aujourd’hui encore, la tombe d’Asunta est fleurie par des inconnus. Des messages, des peluches. Un geste pour elle. Pour cette enfance volée. Une série Netflix à succès est également sortie l’année denière. Mais le mystère reste entier.