ChatGPT snob en français, cool en espagnol, ironique en catalan : on a testé ses multiples personnalités

Cyane Morel

Une équipe de chercheurs de l’Université ouverte de Catalogne vient de révéler que les intelligences artificielles changent de personnalité en fonction de la langue dans laquelle elles s’expriment. Une découverte qui interroge notre rapport aux IA, mais aussi à notre propre identité linguistique.

Photo : Cyane Morel

Tous les expatriés en ont fait l’expérience : on change (un peu) de personnalité en fonction de la langue parlée et de la culture de notre interlocuteur. Plus enthousiaste en anglais, plus chaleureux en espagnol, plus mesuré en français. Les différences culturelles, véhiculées par l’idiome, existent bel et bien, et n’ont évidemment pas échappé à l’IA.

Selon une étude menée par des chercheurs de l’Universitat Oberta de Catalunya (UOC), les grands modèles d’IA générative présentent des variations de personnalité en fonction de la langue utilisée. Cette étude pionnière a testé le modèle GPT-4o avec un questionnaire de personnalité reconnu dans plusieurs langues, dont l’espagnol, l’anglais ou le turc. Verdict : l’IA se montre plus extravertie en portugais brésilien, plus conformiste en turc, ou encore plus émotive lorsqu’elle « parle » anglais. En espagnol, l’IA paraît aussi plus stable émotionnellement, ce qui peut correspondre à une perception culturelle de calme ou de résilience dans les sociétés hispanophones.

Car ces différences ne s’expliquent pas seulement par la traduction : elles reflètent ce que les chercheurs appellent un effet de « changement de cadre culturel », bien documenté chez les humains multilingues. « Cela suggère que les IA ne traduisent pas seulement des mots, mais embarquent avec chaque langue un ensemble de stéréotypes culturels », explique Jacopo Amidei, chercheur principal de l’étude.

Des stéréotypes amplifiés

A la rédaction d’Equinox, nous avons aussi interrogé ChatGPT dans différentes langues et en précisant la nationalité. En matière d’humour, l’Espagnol serait plutôt bon public, tandis que le Français préfère les blagues intelligentes, teintées d’absurde, et le Catalan s’épanouit dans l’ironie. Au quotidien, toujours selon les personnalités adoptées par l’IA, l’Espagnol se montre le plus souvent patient, le Français peut s’agacer face à des injustices ou à l’incompétence, et le Catalan « explose » dans des situations frustrantes ou répétitives. Enfin, le Français ment pour se protéger, le Catalan pour éviter les conflits et l’Espagnol par peur.

Des résultats qui peuvent faire sourire mais qui, en réalité, posent question. Les quatre auteurs de l’étude tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme : selon eux, « GPT-4o mobilise des stéréotypes culturels lorsqu’on lui demande de simuler une personne d’un pays donné, et ces biais pourraient être amplifiés dans les traductions automatiques ou les productions de texte multilingues ». Pour y remédier, ils concluent avec plusieurs pistes : intégrer des évaluations humaines dans le processus de traduction, utiliser plusieurs systèmes de traduction afin de comparer les résultats, et développer des modèles d’IA davantage sensibles aux contextes culturels et sociaux, et non seulement linguistiques.

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