Les Français de Barcelone sont-ils de faux écolos ?

Equinox Barcelone plage

Ils prennent l’avion mais mangent végétarien, revendiquent leur amour du commerce local mais achètent leurs ventilateurs sur Amazon… Les Français expatriés à Barcelone sont pétris de paradoxes, fidèles à leur double vie franco-espagnole, jusque dans leur rapport à l’écologie. Enquête.

Photo : Clémentine Laurent

Pourquoi vient-on vivre à Barcelone ? Il existe mille raisons, mais pour le Français urbain fraîchement expatrié, c’est souvent la promesse de la mer, de la montagne et d’une certaine douceur de vivre. Une « slow life » qui rime avec un mode de vie plus conscient, donc plus écologique. On se déplace à vélo, on va à la mer ou en rando le week-end – donc on évite de laisser des déchets derrière soi – on recycle, et on achète ses graines en vrac chez Ametller.

Mais l’expatrié reste paradoxal. Malgré sa bonne volonté, il rentre souvent en France en avion, sacrifie le local au pratique, porté par cet entre-deux mental : « ni d’ici, ni de là-bas, donc pas vraiment coupable ». Une posture qui peut être très confortable.

Prenons un exemple concret : un expatrié parisien qui rentrerait en France une fois par mois en avion pour voir ses proches. Avec ses vols, il émet environ 4,7 tonnes de CO₂e par an, soit l’équivalent d’un aller-retour transatlantique. En comparaison, une personne vivant en France et prenant le TGV une fois par mois entre Paris et Marseille n’émet que 27 kg de CO₂e par an pour ces trajets. À distance comparable, l’écart est vertigineux : l’avion pollue environ 175 fois plus que le train.

Randonnee montagne nature paysage mer Photo visitpirineus.com

Faut-il en conclure que l’expat est voué à polluer ? Pas forcément. Augustin et Milena, deux Français installés à Barcelone depuis respectivement 10 ans et 1 an, nous partagent leurs efforts. Originaire de Nantes, Augustin nuance : « Je prends évidemment l’avion parfois, mais si je pars plus d’une semaine, je fais l’un des trajets, voire les deux, en train ou en bus. Le bus, c’est pas confort, mais si j’ai le temps, no pasa nada. Et pour rentrer à Nantes, je prends souvent le train, qui met 14h. »

Un sacrifice que comprend Milena. Parisienne et grande voyageuse, elle a vécu en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis et au Canada. Même là-bas, cette photographe passionnée de voyage ne rentrait pas en France à la moindre occasion : « C’était un choix à la fois écolo et économique. Aujourd’hui, on peut garder le lien avec ses proches sans forcément être présent physiquement. Et quand on choisit de vivre à l’étranger, on sait qu’on va manquer des choses (naissances, mariages, enterrements…). C’est un compromis, mais je crois qu’on vit d’abord pour soi. »

Cette distance choisie s’effondre parfois sous la pression familiale qui demande ces allers-retours incessants. Le problème ? L’avion reste moins cher et plus rapide que le train. Et disposer de temps pour un long trajet, c’est un luxe. Être écolo, ce serait donc un privilège de riches ? « Pas du tout », réagit Milena,« je n’ai jamais été “riche”. Réfléchir à son impact, c’est pas un truc réservé à une élite. C’est juste une question de conscience et de choix ».

Un choix quotidien

Côté clichés, l’expat est souvent perçu comme un digital nomad, détaché de son quartier, voyageur compulsif et dépensier. Une image que contredit Mathilde, consultante en recrutement : « On peut être expatrié et prendre le train ou la voiture pour aller en France. Travailler à distance ne veut pas dire partir à Bali, à Bangkok puis à Lisbonne. Certains abusent de l’avion, c’est vrai, mais beaucoup essaient de limiter les déplacements et privilégient les visios. Ce n’est pas une question de statut, mais de mentalité et de sens des responsabilités. »

Lire aussi : Barcelone, le jamón ibérico et les végétariens

Augustin confirme : pour lui, l’écologie se vit surtout au quotidien. Il utilise des tupperwares chez les commerçants pour éviter les emballages, limite ses déchets, et commande ses fruits et légumes via TalKual, l’équivalent local des produits « moches » français.

Les contradictions des expatriés français à Barcelone ne sont peut-être qu’un miroir grossissant de celles de notre époque : on veut ralentir, mais on bouge sans cesse ; on prône le local, mais on vit mondialisé. En attendant un changement collectif, Augustin, Milena et Mathilde ont raison, ce sont les petits gestes qui comptent, même s’ils incluent des trajets en train de 14h. Comme le dit Milena, ça crée « du temps pour travailler, lire ou rêver, et aller à Ibiza en ferry de nuit, ça fait des souvenirs différents ! »

Recommandé pour vous