Cet été, Equinox rouvre les dossiers criminels les plus marquants d’Espagne. Enquêtes glaçantes, disparitions mystérieuses, procès médiatiques : retour sur ces histoires vraies qui fascinent autant qu’elles dérangent.
C’est notre série estivale, avec un nouvel épisode tous les dimanches.
Entre 1982 et 1984, le quartier de l’Eixample à Barcelone a vécu au rythme d’une peur presque silencieuse, infiltrée derrière des cages d’escalier et des sombres couloirs. Face à cette psychose collective, un seul homme, Francisco López Maíllo, auteur de 29 viols, agressions sexuelles et vols. Une traque étouffante, un monstre invisible, et une ville sous tension. Retour sur l’un des chapitres les plus sombres d’Espagne.
Eixample, automne 1982. L’architecture soignée du quartier ne suffit plus à masquer l’inquiétude qui gagne peu à peu les habitants. Les premières victimes ne parlent pas tout de suite. La peur de ne pas être crues, le traumatisme… Mais peu à peu, les commissariats reçoivent les mêmes récits glaçants. Des femmes, seules, agressées chez elles par un inconnu qui les suit jusque dans leur immeuble.
Le mode opératoire est toujours le même : l’homme repère ses victimes dans la rue, s’introduit derrière elles dans l’entrée de l’immeuble, puis les attaque dans l’ascenseur, sur le palier ou directement dans l’appartement. Il frappe, viole, vole. Disparaît. Et recommence. La rumeur court. Les habitants ne prennent plus l’ascenseur seuls. Les femmes rentrent chez elles en jetant des regards paniqués derrière leur épaule. Les serrures sont changées. Les clés serrées dans les poings. Une mécanique froide rappelant l’affaire Guy Georges dans les années 80.
Un monstre insaisissable
À l’époque, Barcelone est loin d’être la ville touristique qu’on connaît aujourd’hui. La police est mal équipée, les enquêtes parfois lentes. La pression monte. La presse commence à parler d’un « violeur en série ». Les profils des victimes se dessinent concrètement : toutes vivent seules, dans des immeubles anciens, souvent sans concierge. Elles décrivent un homme jeune, brun, discret, qui semble connaître parfaitement le quartier. Mais les indices sont maigres et les empreintes rares voire invisibles. Les victimes se découragent.
MDC, 37 ans et enseignante, a raconté au commissariat une agression survenue vers 0h45 dans l’immeuble où elle réside. Alors qu’elle s’apprêtait à prendre l’ascenseur pour monter chez elle, un homme armé d’un objet pointu l’a surprise, lui ordonnant de se taire et de lui remettre son argent. L’agresseur l’a saisie par le cou, conduite jusqu’au palier, puis a fouillé son sac à main pour en prendre l’argent. Après l’avoir jetée au sol, il a baissé sa robe, avant de la violer. Une fois son crime accompli, il a de nouveau fouillé ses affaires et volé un paquet de cigarettes.
Parmi ses crimes, figure celui d’une jeune Française d’environ 23 ans. Abordée dans l’embrasure d’une porte, elle a d’abord été volée et violée sur le palier, avant d’être contrainte de monter au dernier étage de l’immeuble. Là, l’homme lui a confisqué tous ses objets de valeur, déshabillée puis violée à nouveau. Dans un geste glaçant, il est ensuite retourné dans son appartement où, trouvant la porte ouverte, il lui a rendu les clés.
Le début de la fin
Il faudra attendre l’année 1984 pour que l’étau se resserre. Une patrouille repère un homme au comportement suspect, rôdant autour d’un immeuble. Contrôle d’identité. Il s’appelle Francisco López Maíllo. Il n’a pas d’antécédents majeurs, juste quelques délits mineurs. Mais son visage commence à apparaître dans les témoignages. Rapidement, les policiers font le lien. Son profil correspond. Une perquisition est lancée. Chez lui, on retrouve des objets appartenant à plusieurs victimes. L’interrogatoire est glacial. López Maíllo ne montre ni remords ni émotion. Il avoue certains faits, en nie d’autres. Les enquêteurs, eux, n’ont plus de doute. Ils tiennent enfin le violeur de l’Eixample.
Francisco López Maíllo est né à Barcelone. Dès l’enfance, il fugue régulièrement et, à sept ans, il est placé dans un centre d’accueil où il passe neuf ans marqués par la violence. De retour dans son quartier à 16 ans, il enchaîne petits boulots et prostitution. Il affirme avoir commencé ses agressions en janvier 1983, sans vraiment comprendre pourquoi. Selon lui, les femmes sont des « opportunistes », mise à part sa mère, qu’il décrit comme une sainte. Ses proches, eux, le voient comme un joueur habile et un homme sobre.
Un procès hors normes
Le procès s’ouvre en 1985. Il fait la une de tous les journaux. Les détails des agressions sont insoutenables : 29 viols confirmés, plusieurs abus sexuels, des vols à répétition. L’accusé ne tente même pas de se défendre. Il reste silencieux, impassible. Les psychiatres parlent d’un profil inquiétant, d’un besoin de domination absolue, d’une absence totale d’empathie. Un vrai psychopathe.
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La sentence tombe : 592 ans de prison. Une peine symbolique, destinée à rendre justice à l’ampleur des crimes. Mais la loi espagnole limite la durée réelle d’incarcération à 30 ans.
Finalement libéré en octobre 1998 après seulement 13 années de détention, Francisco López Maíllo a voulu reprendre sa vie dans son quartier natal du Raval. Mais sous pression des habitants, il a dû fuir dans d’autres communes catalanes, avant de s’exiler en République dominicaine. Là, il avait trouvé refuge auprès d’une congrégation religieuse. Il est revenu à Barcelone fin 1999 pour soigner une sclérose en plaques dégénérative. Il mourra à 37 ans à l’hôpital Sant Joan de Déu, dans un anonymat presque total.