À Barcelone, les soirées des expats français ne ressemblent pas à celles de l’Hexagone. Bars sur la plage, “tardeo”, culture latino… Portrait de cette jeunesse française en immersion.
Photo : Sonar
“À Paris je sortais beaucoup plus, il y avait davantage de soirées techno.” Théotime a quitté la capitale française pour Barcelone il y a dix-huit mois, et depuis, ses samedis soirs ont changé de tempo. Finis les apparts bondés et les clubs jusqu’à l’aube. Ici, on commence “sur la plage ou dans un parc, puis on enchaîne par un bar, et on rentre vers minuit ou deux heures du matin”. Pour certains expats, l’heure espagnole n’est pas celle que l’on croit.
S’il y a bien des clubs à Barcelone, beaucoup privilégient le “tardeo”, ces soirées d’après-midi qui se terminent tôt. Une évolution confirmée par les chiffres : selon « España de Noche », la fédération des entreprises du monde de la nuit, les établissements qui incluent cette option dans leur offre ont augmenté de 25 % leur chiffre d’affaires en 2024.
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Souvent tout juste entrés dans l’âge adulte, les expats choisissant cette option découvrent la capitale catalane en même temps qu’un premier emploi, qui, surprise, amène son lot de fatigue et d’envie de rester chez soi. Ce constat s’applique uniquement aux jeunes fraichement employés : les étudiants Erasmus vivent la fête différemment.
Techno française vs reggaeton catalan
Au-delà des horaires, c’est l’ambiance sonore qui bouscule le Lyonnais d’origine. “La culture reggaeton est beaucoup plus présente ici, alors que moi je suis plus techno”, lâche Théotime. L’électronique froide du nord cède la place à des rythmes plus latins. Et côté pratique, pas de soirée en appart : les logements sont petits, les murs fins, les voisins vigilants. “On se fait vite réprimander.”
Enfin, reste le nerf de la fête, l’argent. “Avec les salaires plus bas, les gens sont frileux à l’idée de payer une soirée 15 euros.” Une donnée structurelle dans un pays où le salaire moyen (net) reste inférieur de plus de 20 % à celui de la France.
Photo : Poble Espanyol
L’autre différence majeure tient à la mobilité dans la ville. À superficie égale, là où les Parisiens enchaînent facilement plusieurs lieux dans une même soirée – métro, Uber, Vélib’ à toute heure – les jeunes Français à Barcelone découvrent une autre inertie. “Ici, si un lieu est à plus de 15 minutes à pied, les gens n’y vont pas”, note Théotime. Une paresse géographique renforcée par un réseau de transports en commun qui, passé minuit, se réduit fortement. Le métro ne fonctionne en effet toute la nuit que le samedi ; le reste de la semaine, il s’arrête entre 23h et minuit, selon les lignes, ou à 2h le vendredi. De quoi figer les soirées dans des périmètres réduits et limiter l’exploration nocturne.
À cela s’ajoute une réglementation plus stricte qu’il n’y paraît. Si la réputation de Barcelone comme ville festive tient encore debout, la mairie, elle, tente depuis plusieurs années de freiner les débordements nocturnes, surtout dans les quartiers historiques. Les bars doivent fermer à 2h en semaine et à 3h le week-end, selon l’arrêté municipal en vigueur. Les licences pour les clubs sont plus difficiles à obtenir, et la police municipale multiplie les contrôles pour limiter le bruit et les regroupements sur la voie publique. Un cadre plus strict qui contraste avec la réputation “libérée” de la ville, et que les jeunes Français découvrent souvent sur le tas.