Chaleur étouffante, rames bondées, tensions palpables : dans les trains de Barcelone, les Rodalies, qui longent la côte catalane, le trajet touristique peut virer à la galère pour les usagers comme pour les agents de sécurité.
Impossible d’échapper à la moiteur dans ce train R1 qui serpente entre deux stations balnéaires catalanes. Les corps s’empilent, touristes cramés et locaux en tongs se disputent l’air tiède d’une climatisation parfois capricieuse. L’odeur de crème solaire se mêle à celle de la sueur, les fenêtres ne s’ouvrent pas, et les sacs à dos trop-pleins obstruent les allées parsemées de parasols repliés. Un trajet typique pour des milliers d’usagers. Entre Barcelone et Blanes, le trajet panoramique peut vite virer à la galère en plein été. Et ce n’est pas seulement à cause du manque de place.
Coup de chaud sur les vigiles
Les trains de banlieue catalans, les Rodalies, doivent également composer avec une insécurité croissante, si l’on en croit les agents de sécurité. Ils dénoncent des agressions et un vandalisme en hausse, ainsi qu’une recrudescence des vols. Les lignes étant complètement saturées en été sont une aubaine pour les pickpockets et autres délinquants. 82 plaintes pour agressions verbales ou physiques contre des agents de sécurité ont ainsi été enregistrées en 2024, par la division de transports Publics des Mossos d’Esquadra. La plupart des cas concernent des blessures (58), suivies de menaces (22).
À cela s’ajoute une vague de vandalisme. Entre janvier 2024 et mars 2025, la police a recensé 264 incidents dans les trains : principalement des vitres brisées par des jets de pierres ou d’objets. « Il est rare que l’alerte soit donnée au moment des faits. Les dégâts sont souvent découverts lors du nettoyage nocturne », expliquent des sources policière. La partie nord de la grande couronne de Barcelone concentre à elle seule 108 plaintes. Derrière ces chiffres, des conditions de travail devenues intenables, des journées de 12 heures, sous une chaleur parfois extrême, avec un équipement de protection souvent insuffisant.
La traque des multirécidivistes dans le métro barcelonais a déclenché un effet collatéral inattendu. Sous pression dans les souterrains de la capitale catalane, de nombreux voleurs à la tire rodent désormais dans les trains de banlieue. Résultat : en 2024, les vols dans le métro ont reculé de 4,6 % — les agressions violentes chutant même de 16 % — tandis que les Rodalies, voit les vols grimper de 7,4 %.
Les trains R1 qui longent la côte peuvent être un vrai calvaire en plein été.
Des résidents de Barcelone ont également remarqué cette hausse de tensions dans les trains de Barcelone, sans toutefois virer aux agressions dramatiques des agents de sécurité. « Je pense que l’explication la plus simple, c’est : les gens s’appauvrissent et Barcelone est de plus en plus saturée », estime Boryana, une Bulgare d’une vingtaine d’années qui travaille dans le marketing et la gestion de contenus digitaux. « Si l’on ajoute à la haute densité dans les trains les inégalités économiques croissantes, cela donne de l’agressivité. Et en ce qui concerne la RENFE en particulier, je dois dire que le service est déplorable, il y a moins de budget , de la corruption, des retards… Les gens en ont marre », affirme-t-elle.
Des agressions banalisées ?
Des retards qui sont d’ailleurs aussi pointés du doigt pour leur impact sur le moral des utilisateurs. « La seule chose étrange que j’ai remarqué cette année, c’est qu’il y a plus de trains annulés et des retards plus longs pour ceux qui circulent encore », note pour sa part Luigi, 41 ans. L’homme originaire des Balkans a déménagé dans la capitale catalane, il y a bien longtemps : « J’utilise les Rodalies depuis 15 ans. Cela affecte l’humeur des passagers et rend les trains parfois surchargés. »
D’autres usagers des trains préfèrent relativiser et prendre leur mal en patience : « Ça a toujours été comme ça en été », déclare Marc, Barcelonais pur souche. Tanja, une Allemande d’une quarantaine d’années voit les choses avec moins de philosophie « Les gens qui mangent des pipas et recrachent les coquilles», déplore-t-elle.
Marc amalgame l’ambiance tendue et la montée des températures. « J’ai vu quelques disputes débiles dans le métro de Barcelone à 8h du matin. La chaleur rend les gens plus explosifs. L’autre jour, un gars hurlait parce qu’on l’avait ‘frappé’ avec un sac. Moi, à cette heure-là, j’ai même pas l’énergie de me disputer », rit le trentenaire, qui travaille dans l’informatique.
Ce climat social dit aussi quelque chose d’une Catalogne fracturée entre croissance touristique, pression locale et désengagement institutionnel. Un cocktail explosif que les trains, eux, ne peuvent plus contenir.