À Barcelone, trouver une place en terrasse relève de l’exploit. Contrairement aux idées reçues, le coupable n’est pas forcément le restaurateur.
Photo : Clémentine Laurent
S’asseoir en terrasse à Barcelone est un véritable parcours du combattant. On râle souvent contre les restaurateurs : « Mais pourquoi diable ne sortent-ils pas plus de tables ? » Dans une ville aussi ensoleillée, la pénurie de chaises paraît absurde. Pourtant, les plaintes ne visent pas le bon coupable. Car ce n’est pas la mauvaise volonté des bars qui bride l’offre, mais la mairie, lancée dans une traque sans merci contre les établissements dotés de terrasses.
Depuis des années, la municipalité bataille pour réduire les terrasses, sous la pression des associations de voisins excédées par le bruit. Mais depuis janvier 2025, la chasse a franchi un nouveau cap avec des contrôles renforcés et des restrictions plus sévères. Résultat : dans le seul quartier de Ciutat Vella, 129 établissements avec terrasse ont été inspectés depuis le début de l’année… et 129 sanctionnés. Dix-sept d’entre eux n’avaient même pas de licence. En plus, ces deux dernières semaines, 44 établissements de la Barceloneta situés sur le passeig Joan de Borbó ont été contrôlés et un établissement a même été scellé pour accumulation d’infractions.
Faut-il y voir une victoire pour les riverains ou un coup dur pour l’ambiance des rues ? Lors d’un précédent reportage, nous nous étions rendus sur la Plaça del Sol, à Gràcia. Là-bas, l’offre de terrasses est si limitée que les propriétaires ne transigent pas : impossible de prendre un simple café en terrasse à certaines heures. « Nous n’avons droit qu’à six tables pendant six mois de l’année. Du coup, on doit rentabiliser chaque place », expliquait Albert, un employé du bar-restaurant Sol de Nit.
Une mairie (très) sévère
La mairie assume son intransigeance. Dans le cadre du Pla Endreça – le programme du maire Jaume Collboni pour « remettre de l’ordre » dans l’espace public – les inspecteurs ne traquent pas seulement les terrasses illégales, mais aussi les panneaux publicitaires non autorisés et les rabatteurs. Les sanctions pleuvent : amendes jusqu’à 3 000 €, suspension temporaire et, pour les récidivistes, non-renouvellement de la licence.
Par ailleurs, la traque institutionnelle est très sérieusement aidée par les associations de voisins, notamment via la page Instagram de la FAVB (Federation des associations de voisins de Barcelone) qui récolte puis affiche des images de terrasses hors-la-loi. Ainsi peut-on lire à chaque nouveau post la photo de la terrasse coupable, l’adresse et le motif d’infraction comme « Vous continuez à doubler ou tripler les tables que vous avez le droit d’installer, et vous en avez encore quelques-unes prêtes à être ajoutées. Une honte. » ou encore « Vous n’avez pas de permis pour installer des tables, et c’est très simple, ce n’est pas un espace adapté. Arrêtez d’OCCUPER la rue qui n’est pas la vôtre. »
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En 2025, sept établissements de Ciutat Vella ont déjà perdu leur renouvellement automatique (ils étaient 24 en 2024). Officiellement, la mairie veut protéger les riverains et récompenser les commerçants qui respectent les règles. Officieusement, cette politique transforme la simple recherche d’une table en terrasse en véritable épreuve pour les Barcelonais et les touristes. Quand les bars galèrent, les clients trinquent.