À l’heure du réchauffement climatique, comment faire évoluer les territoires de montagne dont l’économie repose encore massivement sur le ski ? C’est le défi que relève Piton, un projet européen qui fait du Couserans, en Ariège, l’un de ses laboratoires de transition.
Par Valérie Ravinet pour ToulÉco
Ironie du sort : la température s’élève à 36°C à Saint-Girons, chef-lieu du Couserans, où les porteurs du projet transfrontalier Poctefa Piton [1] se réunissent pour accueillir un séminaire afin d’imaginer collectivement un avenir plus diversifié et résilient des territoires de montagne. À l’instar de Guzet, les stations engagées dans le projet s’efforcent d’inventer une autre trajectoire. Située entre 1100 et 2100 mètres d’altitude, Guzet, cogérée par la commune d’Ustou, le Département et la communauté de communes Couserans-Pyrénées, « a pris de l’avance en matière de diversification, en misant sur des activités toutes saisons : luge d’été, VTT, biathlon, randonnée, astronomie ou encore tourisme social », avance Alain Servat, maire d’Ustou, président du syndicat mixte de Guzet et de la commission économie rurale de la communauté de communes.
Une transition économique territorialisée
Le cœur de la démarche Piton est là : penser la station non plus comme un pôle isolé mais comme un élément d’un écosystème économique élargi. Agriculture, artisanat, pastoralisme, thermalisme, tourisme scientifique et résidentiel : c’est toute la vallée qu’il s’agit de faire respirer à nouveau. « L’enjeu est de dézoomer, pour construire une destination à l’échelle du Haut Couserans », explique le directeur général adjoint de la communauté de communes Couserans-Pyrénées, en charge notamment du développement économique, du tourisme et de la transition des stations de montagne. À la clé, une montée en gamme, une montagne « pour tous », y compris les personnes en situation de handicap, et une réflexion sur le logement, la mobilité et la valorisation des savoir-faire locaux.
Selon une étude du domaine skiable de France datant de 2013, un euro investi dans un forfait de ski générerait jusqu’à 7 euros de retombées économiques indirectes, un chiffre ramené à 4,90 euros par la Cour des comptes en 2024. Piton veut mesurer ce que peut représenter demain l’ensemble des nouvelles activités dans ce ruissellement économique, à 5, 10 ou 15 ans.
Un projet transfrontalier financé à 65 % par l’Europe
Coordonné par l’Agence des Pyrénées et l’Institut supérieur du tourisme de l’hôtellerie et de l’alimentation (Isthia) de l’université Toulouse Jean-Jaurès, Piton réunit dix partenaires français, andorrans et espagnols, et mobilise environ 2 millions d’euros, financés à 65 % par l’Union européenne via le programme Interreg Poctefa 2021-2027.
Quatre territoires pilotes ont été retenus : le Couserans en Ariège, la Cerdagne côté français et catalan (avec les stations de Trio Pyrénées et de La Molina), et la commune andorrane de Canillo (Grandvalira). Chacun apporte ses propres expérimentations et profite de l’intelligence collective. « On ne va pas tout réinventer ici. On partage les expériences pour éviter les erreurs et rester connectés à la réalité du changement climatique », résume Jean-Noël Vigneau, président de la communauté de communes Couserans-Pyrénées.
Méthodologie sur mesure
Les réunions trimestrielles – la prochaine aura lieu en Andorre – permettent aux partenaires d’échanger et de progresser ensemble. L’enjeu ? Élaborer un « futur désirable », selon Matthieu Cruege, directeur du Parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises, conçu avec l’ensemble des acteurs : élus, professionnels, hébergeurs, agriculteurs, habitants. Le projet met aussi l’accent sur l’accompagnement : ingénierie, méthodes prospectives, apport d’experts sous la houlette d’Olivier Erard, ancien directeur de Métabief, station jurassienne pionnière en transition. Ce ne sont pas seulement les stations de ski qui sont en jeu, mais l’avenir de tout un mode de vie en montagne.
