Deux boulots pour survivre : ces jeunes Français qui galèrent à Barcelone

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Vivre à Barcelone n’a jamais coûté si cher. Entre loyers étouffants et salaires indécents, les jeunes expatriés jonglent avec plusieurs jobs pour maintenir la tête hors de l’eau.

Photos : Clémentine Laurent

N’importe quel expat vous le dira : Barcelone, ce n’est plus ce que c’était. L’eldorado aux loyers ridicules et aux salaires satisfaisants n’existe plus. Cet idéal, qui avait fait s’expatrier un grand nombre de Français dans la cité comtale s’est fait remplacer par une cité où les loyers ont augmenté de 70 % en 10 ans et les salaires jamais bougé. Résultat : une perte de pouvoir d’achat conséquente.

Pour vivre décemment à Barcelone quand on a moins de 30 ans, il faut soit décrocher un job payé au salaire d’un autre pays (France, Angleterre, États-Unis…), soit enchaîner plusieurs boulots. C’est ce qu’a dû se résoudre à faire Emma (le prénom a été changé), 21 ans. Cette Toulousaine d’origine travaillera deux emplois tout l’été afin de vivre normalement.

Pour pouvoir payer son appartement dans le Raval – qu’elle partage avec son copain – à 500 euros par mois, elle cumule 41 h/semaine : 675 € pour 21h dans un premier job et 800 € pour 20h dans le second. Deux boulots dans la vente, normalement temporaires, pour celle qui veut se dédier à une carrière de professeure de yoga. Une vie pas toujours facile, à laquelle on ne s’attend pas en arrivant ici.

Lire aussi : Barcelone : des salaires en hausse, mais les jeunes toujours à la traîne

Catherine (le prénom a été changé), de son côté, a vécu une vraie douche froide. Après une thèse de recherche à Amsterdam, la trentenaire s’installe à Barcelone en janvier 2025 avec la volonté d’entrer dans une start-up locale, pas une multinationale, dans le but d’intégrer la vie barcelonaise.

Elle réalise vite que les salaires ne correspondent pas à ses attentes, mais accepte tout de même un poste en R&D, « malgré un salaire dérisoire ». « Le rythme de travail étant très calme, j’ai pu créer mon auto-entreprise et travailler en parallèle comme consultante freelance en conseil scientifique pour une entreprise en Angleterre. Je passe également des entretiens avec une entreprise américaine pour entraîner une IA dans le domaine des sciences de la vie. Avec tout cela, je devrais pouvoir retrouver le pouvoir d’achat que j’avais à Amsterdam. » La recherche d’un niveau de vie décent demande des efforts considérables, même lorsqu’on est bardé de diplômes comme l’est Catherine.

La Française ajoute même, « entre Amsterdam et Barcelone, j’ai eu 6 mois de transition où j’ai cherché du travail de France et je touchais le chômage. Le chômage français me payait à rester à la maison 600 euros de plus que mon entreprise actuelle en travaillant 40h par semaine. » Les aides sont aussi un gros sujet, puisque l’Espagne n’en dispense que très peu, ce qui n’aide pas quand on a un emploi pas très bien rémunéré.

Un phénomène qui ne touche pas que les expats

Sans parler uniquement de la communauté des expatriés, selon l’Institut national des statistiques espagnol (INE), le multi‑emploi (« pluriempleo ») touche près de 600 000 personnes, soit 2,6 % des salariés : un taux similaire aux chiffres de 2008, alors que l’Espagne traversait une crise économique sans précédent. Le problème ? Les heures réellement effectuées dans ces postes secondaires révèlent un recours fréquent à l’informalité, ce qui positionne l’Espagne parmi les pays à haut risque d’économie souterraine au sein de l’UE.

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Le travail au noir est, en effet, une réalité dans le pays, qui aide les plus précaires – et notamment les multi-employés – à s’en sortir. Il concernerait environ 10 % des travailleurs, selon les estimations, et l’économie informelle représenterait entre 15 % et 24 % du PIB national. Les secteurs les plus touchés sont l’agriculture, l’hôtellerie-restauration, les services à domicile et les cours particuliers, là où les marges sont faibles et l’inspection du travail peu présente.

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