Des centaines de Français perdent actuellement leur poste suite à l’annonce de fermeture de plusieurs centres d’appels barcelonais. Le marché de l’emploi est-il en train de se durcir pour les expatriés barcelonais ? Décryptage.
Meta, Dyson, Lee Cooper, Withings… Depuis quelques semaines, les plans de licenciements se succèdent dans les plus grands centres d’appel de la ville, suscitant la consternation parmi leurs centaines d’employés internationaux. « Il y avait pas mal de rumeurs, mais on n’était pas sûrs et puis le mois dernier, un de nos collègues a repéré une annonce pour le même poste que le nôtre mais en Grèce, là on a compris que ça allait fermer à Barcelone », raconte Clara*, en CDI à CPM pour la marque Dyson.
La semaine dernière, elle recevait sa lettre de licenciement pour fin de projet, avec un préavis de deux semaines. Ses près de 600 collègues ont subi et vont subir d’ici octobre le même sort, tout comme ceux des marchés Withings et Lee Cooper, également gérés par le prestataire CPM. « Ils délocalisent en Grèce et en Inde, et beaucoup d’autres call centers sont sur la sellette, ça va devenir compliqué pour les expatriés à Barcelone ».
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Car depuis deux décennies, travailler dans un call center a été pour beaucoup de Français le job idéal, ou du moins celui qui offrait les meilleures conditions, avec des salaires supérieurs aux postes locaux et parfois sans nécessité de parler espagnol. Mais avec ces fermetures et celle, pour délocalisation également, du centre de modération de Meta (Facebook-Instagram) en début de mois, ils sont aujourd’hui des centaines à se retrouver sans emploi, presque du jour au lendemain. « Il faut se dépêcher de préparer les CV, il va y avoir de la concurrence », indique Tristan*, ex-modérateur de contenus pour Facebook. « Ça fait du monde au portillon ! », s’exclame de son côté Clara.
Un secteur en profonde mutation
Avec un coût de la vie qui a récemment bondi en Espagne mais surtout l’irruption de l’intelligence artificielle (IA), le secteur connait en effet une véritable révolution. « Nous sommes à un tournant, nous explique un cadre dirigeant d’un call center barcelonais, tout ce qui n’est pas par voix humaine est déjà transféré en Inde parce qu’avec les nouveaux outils IA de traduction, on peut facilement avoir un Indien payé pas cher qui va répondre dans toutes les langues par chat ou par mail ».
Selon lui, les programmes de traduction simultanée de la voix vont très bientôt permettre d’appliquer le même principe aux appels téléphoniques, jusqu’ici uniquement réservés à des téléopérateurs natifs. « C’est évident qu’il y aura de moins en moins d’humains dans les centres d’appel ».
Pourtant, grâce à son vivier d’expatriés de toutes langues, Barcelone devrait rester une capitale des call centers. Ils seront simplement différents. « Peu de villes dans le monde regroupent autant de langues, poursuit notre expert, et il y aura toujours besoin d’un soutien humain, tout ne passera pas par les robots ». Les agents effectuant actuellement des tâches reprises par l’intelligence artificielle devront évoluer vers des postes plus qualifiés et ainsi apporter une plus forte valeur ajoutée, expliquent les professionnels du secteur. Moins de recrutements massifs donc, et des formations internes pour réorganiser les équipes.
En attendant, Tristan a déjà commencé à postuler à quelques annonces. Il n’a pas cumulé assez de mois de travail pour avoir droit aux allocations chômage. Clara, elle, a travaillé près de dix ans à CPM et va profiter de ses indemnités de licenciement pour entreprendre une reconversion professionnelle. Et pour eux deux, une chose est sûre : quel que soit leur avenir professionnel, pas question de quitter Barcelone.
*Les prénoms ont été modifiés pour respecter l’anonymat des intervenants