Le parc de la Ciutadella est un des monuments inratables de la cité comtale. En tant que seul grand parc de la ville, il doit subvenir aux besoins en nature de plus d’1 million d’habitants. Une tâche difficile pour cet espace plus très vert.
Photo : Eve Fumey-Seguy
C’est un dimanche après-midi à Barcelone. Les enceintes crachent de la bachata près du lac, les enfants courent entre les jongleurs, les groupes d’amis débouchent des bières tièdes sur la pelouse. Le parc de la Ciutadella vit, et c’est peut-être ce qu’il fait de mieux.
Avec ses 17 hectares (31 si on y ajoute le zoo) c’est le poumon social de la ville, plus que son poumon vert. Car si les Barcelonais et les touristes s’y donnent rendez-vous pour prendre l’air, il ne faut pas trop espérer y respirer la nature. « Si tu veux un parc avec de la végétation, oublie. Un parc romantique ? Oublie. Un parc propre ? Oublie », écrivait une guide locale sur Google Avis il y a quelques années.
Construit en 1888 sur les ruines d’une forteresse militaire, le parc reste aujourd’hui encore l’un des rares espaces « verts » du centre. L’un des seuls aussi où l’on se sent libre de s’allonger, jouer de la guitare, méditer ou faire la sieste… Tout est permis et parfois trop : on se sent quelques fois envahis sur les pelouses clairsemées, et pas forcément en sécurité. Car dans la Ciutadella, c’est connu, les voleurs se baladent pendant que les gens dorment.
Ailleurs dans le parc, d’autres drames plus tragiques ont lieu. En janvier dernier, Bakary Diba, jeune migrant sans-abri de 34 ans, est mort d’une insuffisance rénale dans un campement de fortune installé dans le parc. Un drame passé relativement sous silence, qui illustre bien ce qu’est le parc : un bordel plus ou moins contrôlé.
À rebours de l’image bucolique que vendent les agences touristiques, la Ciutadella n’a rien d’un sanctuaire naturel. D’ailleurs Barcelone, avec ses 6,6 m² d’espaces verts par habitant, reste bien en dessous des recommandations de l’OMS (10 m²). Et malgré le plan municipal pour atteindre ce seuil d’ici 2030, le parc de la Ciutadella semble figé : surpeuplé, surexploité, mal entretenu. À savoir que si toute la population de la ville s’y trouvait en même temps, il y aurait 10 habitants par m² : l’enfer.
Le parc a ses fans
Mais tout n’est pas si noir. Il y a ceux qui, au contraire, trouvent dans la Ciutadella un refuge. « C’est paisible ici, les gens viennent se ressourcer. Les énergies sont douces », glisse une expat française interrogée au parc. Un peu plus loin, une touriste acquiesce : elle aussi aime beaucoup l’endroit.
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Pour continuer à leur plaire et attirer les nouveaux barcelonais, la mairie tente quelques retouches. Le 22 avril dernier, la fontaine monumentale a rouvert, deux ans et demi après sa fermeture pour cause de sécheresse. En 2027, le parc se dotera d’une nouvelle entrée depuis le zoo pour mieux répartir les flux.
Aujourd’hui déjà équipée en wifi, poubelles et points d’eau, la Ciutadella s’adapte à ses usagers qui autant que la nature, aiment leur confort citadin.