Quiconque a déjà voulu le faire le sait : trouver une place en terrasse à Barcelone est un véritable calvaire. Encore plus depuis que certains bars appliquent des restrictions, favorisant les clients mangeurs aux buveurs.
Photos : Lucille Souron
« – On peut s’asseoir ? – C’est pour boire un verre ou manger ? – Boire un verre. – Si vous prenez des tapas c’est oui. – Ok alors, des verres et des tapas. » Sur la Plaça del sol, à Gràcia, un spot en terrasse se négocie âprement. Dès 18h, c’est le même scénario partout : plus une chaise de libre. La place, comme ses voisines (Vila de Gràcia, Diamant, Raspall), est charmante, ensoleillée… Mais cruellement sous-dotée en tables.
« On a 6 tables qu’on a le droit de sortir 6 mois de l’année », explique Albert, employé au Sol de Nit, un des établissements emblématiques de cette esplanade. Comme pour les autres restaurants barcelonais, ce chiffre n’est pas de son fait mais de la mairie qui restreint le nombre de tables autorisés notamment sur les places très touristiques comme celle-ci. Une obligation qui réduit considérablement les gains, alors dans ce bar, il est clairement noté sur les tables « Les tables des terrasses sont exclusivement pour les déjeuners et les diners de 13 à 16h30 et de 20 à 20h30″, parce qu’il a besoin de faire du chiffre.
Lui qui travaille ici depuis 2 ans en a vu passer des clients, et soupire : « C’est agaçant de voir des gens qui viennent boire un café et lire pendant 2h alors que d’autres veulent manger. » Une simple histoire de chiffre d’affaires qui déplait parfois aux clients, surtout les locaux, nous confie-t-il encore.
De l’autre côté de la place, Mariel travaille au Café del Sol (qui applique les mêmes règles que le Sol de Nit) depuis 2 jours, mais était auparavant serveuse dans un bar situé entre Passeig de Gràcia et Diagonal, où il n’y avait pas ce genre de restrictions. Si elle comprend le principe, elle ne l’approuve pas forcément. Selon elle, « avec ou sans ça, même les gens qui viennent pour boire une bière finissent par manger, donc ça ne sert à rien ».
La serveuse a surtout de l’empathie pour les touristes. Une fois, dans son ancien bar, un couple de Russes avait soupiré de joie quand elle leur avait dit qu’ils pouvaient s’installer en terrasse sans manger. Ils ont finalement commandé de la nourriture, dépensé sans compter et même laissé un pourboire.
Trop de gens, pas assez de terrasses
Le vrai problème, c’est le ratio : trop de clients, pas assez de terrasses. Alors pour éviter les négociations et garantir leur chiffre, certains bars ont tranché : ils augmentent les prix. Une technique très populaire à Madrid qui fait peu à peu son arrivée dans la cité comtale.
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C’est notamment le cas au Caffè Perfetto, à la Barceloneta. Là-bas, on peut lire « Prix du café : 1,60 euros. Si vous restez plus de trente minutes : 2,50 euros. » Une solution radicale qui ne déplait pas à Albert : « Ça me parait correct, ça conscientise les gens. Tout le monde devrait pouvoir profiter de la terrasse, et ceux à qui ça déplait, tentez d’ouvrir un commerce et on en reparle ! »
Car un bar et davantage un restaurant, c’est avant tout un commerce, qui fait bien ce qu’il veut. En effet selon l’OCU, en vertu du Code de la consommation de Catalogne, « les établissements doivent informer les clients de manière préalable, claire et accessible des conditions (prix total des produits ou services, éventuelles limitations de temps de présence, etc.) » Tant que c’est le cas, comme sur la Plaça del Sol ou à la Barceloneta, pas de soucis. Evidemment, poursuit l’OCU, les conditions communiquées ne doivent pas être abusives, ni enfreindre les droits reconnus aux consommateurs.
Et ces consommateurs ont de la ressource. Sur la Plaça del Sol, faute d’autre option, certains s’installent à même le sol pour boire leurs bières. Une solution idéale jusqu’à ce que la police débarque… Mais c’est une autre histoire.
