En France ou en Espagne, prendre le train est rarement une partie de plaisir. Des Français installés à Barcelone partagent leur expérience des galères ferroviaires de part et d’autre des Pyrénées. Et chacun a son coupable préféré.
(Crédit : Renfe)
Le débat est aussi vieux que les rails eux-mêmes : qui de la France ou de l’Espagne a le pire service ferroviaire ? Des résidents français à Barcelone nous livrent leurs expériences — et ils ne sont tout à fait d’accord.
Originaire de la région parisienne, Athmane a vécu cinq ans à Reus, près de Tarragone, avant de s’installer récemment à Barcelone. Et pour lui, c’est clair : le système ferroviaire espagnol est un cauchemar. « J’ai vécu en Seine-et-Marne et je bossais dans le 8e à Paris. C’était galère parfois, mais ici… c’est une autre dimension. »
Pendant cinq ans, il a dû faire la navette entre Reus et Barcelone — un trajet qui l’a usé mentalement et physiquement. « Chaque semaine, c’était la roulette russe. Le lundi ou le vendredi, au moins un à deux jours par semaine, j’avais droit à des problèmes, et des retards quasiment chaque jour. Et surtout, aucune communication : impossible d’anticiper ou de prévenir mes proches. »
Selon lui, le principal problème, c’est le conflit d’intérêt entre Renfe et Rodalies, qui laisse certaines lignes « à l’abandon ». En comparaison, la SNCF en Île-de-France lui paraît plus claire et organisée, notamment sur l’information voyageurs. Aujourd’hui installé dans le centre de Barcelone et commercial pour Papernest, il savoure de ne plus dépendre de cette ligne fantôme, selon ses dires…
Deux visions du train, deux galères
À l’inverse, Jean-Matthieu, 65 ans, installé à Barcelone depuis 2009, ne tarit pas de critiques sur les trains français. Il prend le TGV entre Barcelone et Paris entre 8 et 14 fois par an, et chaque trajet est un combat. « Il n’y a pas un seul voyage où les toilettes ne sont pas bouchées, sans eau ou fermées. Les porte-bagages sont constamment saturés. »
Il regrette aussi la rigidité du système français : « Si tu ne réserves pas dès l’ouverture à J-90, c’est complet. Et si tu réserves à la dernière minute, c’est le prix d’un billet d’avion multiplié par deux voire par quatre. »
Victime d’un AVC, il ne peut plus prendre l’avion. Le train est donc son seul recours — un calvaire, selon lui, entre tarifs exorbitants, bruit, inconfort, et rigidité logistique. « Hier encore, mon wagon entier sentait la soupe asiatique pendant sept heures. C’était ambiance marmite et nouilles chinoises. »
Il souligne que les AVE espagnols sont mieux tenus : plus de place pour les jambes, moins de problèmes de bagages, toilettes fonctionnelles, et si les Espagnols sont connus pour parler fort, ils regardent des films et mettent des écouteurs sur les longues distances. Et il pose la question qui fâche : « Pourquoi la France ne laisse-t-elle pas Renfe opérer librement sur son territoire, alors que l’Espagne a joué le jeu de la concurrence européenne ? Ouigo, lui, casse les prix en Espagne… »
Vincent, 28 ans, expert en rémunérations, est installé à Barcelone depuis juillet 2023. Lui aussi met en exergue les prix plus avantageux du côté espagnol… Enfin, ça dépend où l’on regarde. « Côté tarifs, j’ai l’impression que Renfe et Rodalies restent globalement moins chers pour les trains régionaux. En revanche, pour les AVE, les prix sont parfois très élevés : par exemple, un Lyon-Barcelone peut coûter bien plus cher qu’un Paris-Lyon, même à distance équivalente », nous dit-il. « L’offre Ouigo en Espagne est aussi moins avantageuse qu’en France, où on peut vraiment voyager pour 10 ou 15 euros si on s’y prend tôt. »
Quant à la ponctualité, elle est selon lui très variable selon les lignes. « Globalement, il y a autant de retards qu’en France, et beaucoup de travaux. La ligne R4 semble constamment en retard, alors que la R2, qui dessert la côte et les zones plus touristiques, est bien plus ponctuelle… coïncidence ? Je ne pense pas. »
Alors, France ou Espagne, où est-on le plus à plaindre? Selon une étude de Ville de Rêve, 83 % des trains TGV et Intercités ont respecté leur horaire à l’échelle nationale en France en 2024. Concernant l’Espagne, les données complètes de Renfe pour 2024 ne sont pas publiées sous forme globale, mais selon le gestionnaire, la ponctualité serait de l’ordre de 85–90 %. Par contre, les données de 2023 montrent qu’environ 25 % des trains grande vitesse/longue distance ont accusé jusqu’à 1 heure de retard (contre 19,5 % en 2022). Les trains de moyenne distance étaient encore moins ponctuels : environ 30 %.
Même constat en France : la ponctualité ferroviaire s’est fortement dégradée en France en 2023, selon l’AQST (Autorité de la qualité de service dans les transports). Environ 15% des TGV était en retard, contre un peu moins de 20% des Intercités et 10% des TER. Au bout du compte, le constat est le même des deux côtés des Pyrénées : le transport ferroviaire, peut mieux faire…