Comment reconnaître un bobo à Barcelone

En arrivant à Barcelone, le citadin français, qu’il soit de Bordeaux, Nantes ou Paris, pousse un soupir de soulagement. Exit les Stan Smith, les marinières et les lunettes carrées. Le bobo est une créature hexagonale, un phénomène purement parisien, se dit-il avec une naïveté confondante.

Photos : ajuntament de Barcelona

Il se félicite : ici, point de hipsters avec des tote bags illustrés par Jean Jullien ou de débats houleux sur le meilleur extracteur de jus.  Mais une fois gratté le vernis de la ville cosmopolite et cool, le nouvel arrivant découvre une réalité glaçante. Barcelone est une ville bohème par excellence, où s’observent de nouvelles sous-espèces d’intellos écolo-branchés, plus donneurs de leçons que n’importe quel habitant du 11ème arrondissement.

Comment le reconnaître ?

Le bobo barcelonensis adoptivu se distingue d’abord par un paradoxe vestimentaire. Il ne s’habille pas pour impressionner, mais chaque pièce a une histoire. Pantalon fluide en lin trouvé dans une boutique équitable de Poble Sec, baskets véganes made in Girona, tee-shirt sérigraphié d’un collectif queer local. Il ne se coiffe pas vraiment, mais ses boucles parfaitement mousseuses sont nourries aux huiles essentielles. Il fait semblant d’avoir blondi grâce au soleil et n’avouera jamais publiquement que son tie and dye lui a coûté la modique somme de 150 euros chez sa coiffeuse de prédilection, qui coiffait les stars à Paris. 

Il porte la barbe, mais pas une barbe fournie à la Chabal, non : une barbe négligée avec art. Il fait du skateboard, mais uniquement pour se déplacer jusqu’au marché bio. Il a toujours une tote bag sur lui, qui contient un fanzine féministe, un tupperware en verre et une gourde en inox. Il refuse de « cautionner le système » mais possède le tout dernier iPhone. Le week-end, il commence par une rétrospective de films roumains à la Filmoteca puis va s’encanailler dans le Raval avec des amis artistes chiliens dans des bars d’où il loue l’authenticité alors qu’ils ont été ouverts avant-hier par des Anglais. 

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Où les trouver ?

Il vit à Gràcia, évidemment. Là où les enfants ont des prénoms à trois lettres, les chiens des colliers en corde tressée, où même les pigeons ont l’air de vous juger. Le bobo barcelonais aime ce quartier, son « âme de village » et ses petites places « trop mignonnes ».  Entendez : des épiceries bio où on achète des produits en vrac, des pop-ups stores de vins naturels et des cinémas d’arts et d’essai.

On le croise au Verdi Park, à un débat autour de la décroissance, au centre civic, où il prend des cours de danse contact ou de poterie féministe, ou nez au vent au guidon de son fixie. Mais il rôde aussi le samedi matin au marché des Encants, dans les friperies du Born, et à Poblenou où il écoute de la techno dans des hangars presque désaffectés où il boit des bières artisanales après une après-midi dans un coworking.

fêtes de Gràcia à Barcelone

On est toujours le bobo de quelqu’un

Vous êtes arrivé à Barcelone pour changer de vie, fuir la grisaille et trouver un meilleur équilibre. Vous travaillez dans l’informatique ou les médias. Vous postez des photos de graffitis anti-gentrification sur Instagram. Vous êtes flexitarien, abonné à Bicing et vous avez déjà dit « qu’à Barcelone tout est tellement plus chill ». Vous militez contre Airbnb, mais votre ancien coloc est devenu host pour arrondir ses fins de mois. Vous avez un avis sur le projet d’urbanisation de Montjuïc, sur la transformation du parvis du Macba et sur à peu près tout en somme. Vous êtes abonné à Equinox, bien sûr, et vous n’avez jamais mis les pieds à l’Opium ou au Pacha.

Soudain, un horrible doute vous envahi.

Et si, c’était vous le bobo finalement ?

 

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