Alors que la saison des festivals barcelonais débutera le premier week-end de juin avec le Primavera Sound, c’en est un autre qui fait couler de l’encre, et pas pour les bonnes raisons. Le Sónar Festival, qui doit fêter sa 32e édition du 12 au 14 juin, fait face à un boycott massif.
Photos : Festival Sónar
Le Sónar, mastodonte de la musique électronique en Espagne, est sous le feu d’un grand nombre de critiques. La raison ? Le rachat du festival l’année dernière par KKR, une firme privée américaine dont les investissements en Israël font réagir. Plus précisément, le fond Kohlberg Kravis Robert est accusé de participer à la promotion immobilière dans les territoires occupés illégalement par Israël.
Il le fait à travers un autre conglomérat bien connu, le groupe allemand Axel Springer, dont KKR est le principal investisseur depuis 2019. Axel Springer possède Yad2, un site d’annonces immobilières comme Idealista, qui propose d’investir dans l’immobilier sur le territoire occupé, invitant « à construire vers l’avenir ». Parmi les zones promues par le site se trouvent Jérusalem-Est, Gaza et la Cisjordanie, reconnues par le droit international comme palestiniennes.
Lire aussi : Primavera Sound : la poule aux oeufs d’or de Barcelone
Face à cette situation, plus de 70 artistes participant ou ayant participé à l’évènement ont signé une lettre ouverte exhortant le Sónar à « prendre ses distances par rapport aux investissements complices de KKR, adopter des politiques de programmation et de partenariat éthiques, respecter les lignes directrices du BDS, dialoguer avec les artistes sur tout ce qui précède ». Parmi les personnalités ayant signé, on compte une dizaine de Français dont le DJ Brodinski, par exemple, et le double d’Espagnols.
Le BDS mentionné par la lettre et cité tout le long du manifeste est un mouvement palestinien visant à boycotter les institutions culturelles internationales qui piétinent les droits des Palestiniens, qu’il s’agisse de festivals ou de marques telles que McDonald’s et Coca-Cola.
De son côté, le Sónar s’est totalement désolidarisé du KKR. Dans un communiqué, le festival électronique répond : « Nous tenons à exprimer avec la plus grande clarté que Sónar se dissocie de toute action de KKR. Nous n’avons aucune ingérence, ni bien sûr aucun contrôle sur leurs investissements ou décisions. Notre indépendance reste intacte dans tous les domaines qui définissent l’identité de Sónar : la ligne artistique, la gestion du festival et notre engagement éthique et culturel, qui est resté ferme tout au long de ces 32 années. »
L’Espagne pro-Palestine
Mais le Sónar n’est pas le seul festival espagnol à être visé par ce boycott car il n’est pas le seul à être possédé par KKR. En effet, le mastodonte possède 64 festivals entre l’Europe et l’Australie dont 23 espagnols. Parmi eux, le festival Viñarock, lui aussi victime d’un boycott massif. La municipalité de Villaroblado où il a lieu et qui profite économiquement de l’évènement, craint pour la viabilité de Viñarock et demande la rupture du contrat les liant avec les Etats-Unis.
Comme la mairie de Villaroblado, un certain nombre d’officiels a déjà fait comprendre au groupe qu’on ne l’appréciait pas. Samedi 17 mai, le ministre de la Culture espagnol Ernest Urtasun a déclaré que le fonds KKR « n’était pas le bienvenu » en Espagne, tandis que Pedro Sánchez a demandé – à l’issue de l’Eurovision – l’exclusion d’Israël de tout événement culturel international.
Sur les réseaux, le mécontentement des fans se fait aussi sentir. C’est notamment le cas sur l’Instagram du Sónar qui se fait inonder de commentaires indignés sous chacune de ses publications : « BOICOT », « Je veux seulement savoir comment récupérer mon argent », « Avec mon entrée je finance le génocide à Gaza ??? », « Et la scène de Netanyahu elle est où ? ».
Une moitié du public réclame un remboursement, l’autre veut savoir quelle est la nouvelle programmation suite aux nombreuses annulations. Le Sónar, pour l’instant, ne donne aucune réponse.