Comment faire baisser les loyers en Espagne ?

se loger à Barcelone

L’Espagne vit l’une de ses pires crises du logement : le loyer moyen y a grimpé de près de 80% en dix ans. Organisations et experts se sont penchés sur le problème pour tenter de proposer des solutions afin d’enrayer cette hausse aux lourdes conséquences sociales. Florilège. 

5 mois. C’est ce qu’il aura fallu à Pol, 27 ans, pour trouver un appartement à Barcelone. « Ça a été très long ! Il y avait toujours beaucoup de monde pour un seul logement, c’est un peu la guerre. » Et pour cause : non seulement le nombre d’offres de locations a chuté, mais plus d’un tiers d’entre elles sont pour des contrats de moins d’un an, destinés aux non-résidents. « J’aurais pu accepter ce type de contrat, mais je n’ai pas envie de me remettre à chercher dans six mois. » Pol a toutefois de la chance : son salaire et celui de sa fiancée leur permettent de payer un loyer que beaucoup ne peuvent plus assumer.

Comment en est-on arrivés là ? Pour de nombreux experts immobiliers, le marché réagit à des lois restrictives qui ont effrayé les propriétaires. « La nouvelle loi logement de 2023 qui encadre les loyers bénéficie aux locataires en place en limitant les hausses annuelles de loyer mais a pénalisé les candidats locataires en quête d’un logement », explique Maria Matos, porte-parole du portail immobilier Fotocasa. Selon elle, l’intervention publique a entraîné le retrait de plus de 30 % de l’offre de logements. « L’accès à la location est devenu encore plus difficile qu’avant la loi : le texte a eu pour effet indirect de resserrer la concurrence entre locataires et de décourager les propriétaires d’améliorer ou même de maintenir leur logement en location, du fait d’une rentabilité et d’une sécurité juridique amoindries », poursuit l’experte.

Une vision partagée par l’économiste barcelonais Gonzalo Bernardos qui alerte face aux « effets contre-productifs des mesures coercitives » qui créent une « panique immobilière ». De nombreux bailleurs ont ainsi décidé de ne plus proposer leur bien à la location, le gardant vide ou ne le proposant qu’à des connaissances, selon une experte immobilière française : « Ce sont des biens qui passent sous les radars et auxquels on n’a pas accès si on n’est pas d’ici. »

D’après le Baromètre du logement locatif 2024 de la fondation Alquiler Seguro, les nouvelles lois ont effectivement fait chuter l’offre disponible de 37 000 logements en quelques mois. Résultat : la province de Barcelone connaît désormais la plus forte pression locative d’Espagne, avec en moyenne 421 candidats par logement disponible, trois fois plus qu’il y a un an. Pour Gonzalo Bernardos, l’urgence est donc de « rétablir la confiance des propriétaires », notamment avec un cadre législatif stable et moins restrictif.

Manque de protection des locataires

Mais si la crise du logement touche de point fouet les Espagnols, et en particulier les plus vulnérables, elle révèle en réalité une tendance bien plus ancrée : le manque de protection des locataires. Les aides au logement sont pratiquement inexistantes, même pour les plus jeunes et les plus modestes. « Les subventions publiques ciblées peuvent être efficaces pour soulager le marché locatif, à condition de ne pas être trop générales », poursuit notre économiste, « les aides doivent éviter d’alimenter la demande de manière indiscriminée, tout en soutenant les ménages les plus en difficulté ». 

Surtout que l’Etat ne fournit pas non plus de solutions à prix modéré. L’Espagne est à la traine europénne des logements sociaux qui représentent moins de 2% de son parc immobilier quand la moyenne européenne est à 9%. « Il faut quintupler l’investissement public dans le logement et mobiliser le foncier public disponible via des partenariats public-privé, il n’y a pas de politique de logement sans investissement », insiste Xavier Vilajoana, président de l’Association des Promoteurs espagnols dans un récent rapport. Il appelle à mettre les terrains publics à disposition des promoteurs pour construire massivement des logements abordables ou sociaux.

Mais toutes ces mesures de longue haleine mettront des années à voir le jour, même si les responsables politiques s’y attellaient rapidement. Et pour l’instant, leur mise en oeuvre ne semble pas une priorité.

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