“No guiris” : à Barcelone, Tinder devient le nouveau front de la révolte anti-expats

Réseaux sociaux Espagne

Barcelone voit émerger une tendance inédite sur les applications de rencontres : des utilisateurs y affichent de manière explicite leur refus d’interagir avec des expatriés. 

À Barcelone, même l’amour semble rattrapé par les fractures urbaines. « Je suis sidérée par le nombre de résidents étrangers qui précisent « english only », un jour, j’ai compté : un profil sur quatre ne parlait ni catalan ni espagnol » raconte Nadia à nos confrères de El Periódico. Alors que la capitale catalane fait face à une gentrification accélérée et à une saturation touristique persistante, un nouveau front s’ouvre sur les applications de rencontres.

Pour riposter à l’invasion anglophone, les bios changent sur Tinder, Bumble ou Grindr. De plus en plus d’utilisateurs locaux affichent des messages tels que « no guiris » ou « locals only ».

Loin d’un simple phénomène de mode, cette prise de position traduit un malaise croissant. Pour nombre de Barcelonais, ces messages sont une manière de poser des limites face à une internationalisation perçue comme envahissante, jusque dans la sphère intime. Tous expriment un désir de préserver une forme d’enracinement culturel, de favoriser des relations durables ancrées dans un quotidien partagé, loin des échanges superficiels avec des profils souvent de passage.

Réappropriation culturelle et politique

Cette attitude, si elle divise, s’inscrit dans un contexte social tendu. La flambée des loyers, la disparition progressive des commerces de quartier et la transformation de la ville en vitrine touristique nourrissent un sentiment de dépossession. Pour José Mansilla, anthropologue et professeur à l’université de Barcelone, ces pratiques relèvent d’une réappropriation politique des outils numériques. « Les applis ne sont pas neutres. Elles deviennent des espaces où s’exprime une revendication identitaire face à un modèle économique qui marginalise les habitants historiques », explique-t-il.

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Rejeter les « expats » sur les applis, c’est pour certains une manière de reprendre symboliquement le contrôle sur un espace – celui de l’intime – qui échappe de plus en plus aux habitants. Pour la psychologue sociale Rosa Rabbani, spécialiste des relations interpersonnelles, « il s’agit d’une réaction compréhensible, mais simplificatrice face à un problème complexe comme la gentrification et la précarité du logement ».

La protection de la langue et de la culture est aussi devenu un combat pour des nombreux Catalans, qui ont souvent accusé Madrid de piétiner leur singularité par idéologie politique mais se retrouvent noyés par des étrangers qui ne parlent qu’anglais par commodité. Ce mouvement numérique toutefois, au lieu de convaincre les nouveaux arrivants de s’intégrer, ne fait finalement qu’agraver la fracture et l’incompréhension mutuelle.

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