Naturisme en Catalogne : moins de plages, plus de voyeurs

Equinox Barcelone naturistes

Autrefois symbole de liberté, la nudité s’efface peu à peu du paysage balnéaire catalan. Les plages dites « naturistes » cèdent du terrain, prises en étau entre surtourisme, voyeurisme et absence de cadre légal.

Photo : Gilles Bader

Qui peut encore sauver les tout-nus ? L’interdiction du nudisme dans l’espace public, actée à Barcelone en 2011, a signé le début de la fin de cette communauté pourtant très implantée dans la région depuis les années 1960. Seules quelques poches de tolérance subsistent : Sant Sebastià, Mar Bella, et quelques criques encore épargnées. Mais depuis la pandémie, les guides de voyage ont désigné ces plages comme des spots « authentiques », et attirent des visiteurs toujours plus nombreux, souvent peu au fait des codes naturistes. À coups de smartphones et de regards insistants, les habitués désertent et le naturisme n’est plus l’espace de liberté qu’il est censé être.

Sans signalétique claire, les plages à tradition nudiste deviennent des zones grises, propices aux malentendus et aux conflits. Gabriel, Français de Barcelone naturiste depuis des années, ne décolère pas : « C’est insupportable, on a vécu des années à Sitges et on allait à platja dels Balmins. C’est devenu tellement envahi de textiles [le nom donné aux non-naturistes, ndlr.] que ma femme se sent matée avec des vieux regards pervers. On est même tombés sur un mec qui se promenait en se masturbant devant les gens ».   

Certaines communes vont jusqu’à interdire purement et simplement la pratique. En 2021, la plage de l’Illa Roja (Begur), longtemps considérée comme un bastion naturiste, a vu son identité fragilisée par l’implantation d’un bar de plage. Un symbole parmi d’autres d’une uniformisation balnéaire où le naturisme fait tache.

Comment se protéger ?

Face à ce recul, les défenseurs du naturisme réclament une protection institutionnelle. Une résolution du Défenseur des droits adoptée en 2018 recommande aux municipalités de garantir des espaces sûrs pour les baigneurs sans maillot, avec des campagnes de sensibilisation, des panneaux visibles, et une reconnaissance officielle des usages locaux. Une directive restée lettre morte.

Gabriel, de son côté, réclame seulement de « pouvoir se baigner nu et tranquille, [il] ne juge pas les gens qui préfèrent porter un maillot. Mais les gens qui viennent pour mater, filmer, se tripoter… ça devient usant. » Si Gabriel est en colère, il n’est pas la cible principale de ces violences. Ce sont majoritairement les femmes adeptes du naturisme qui sont touchées par le voyeurisme ou la masturbation effectuée par des passants. Avec les conséquences que l’on imagine : angoisse et sentiment d’insécurité.

Equinox Barcelone naturistes

À ce jour, la Catalogne compte officiellement 68 plages naturistes. Moins de la moitié sont signalées comme telles. Et les mairies n’agissent pas, tiraillées entre la logique touristique et les droits d’une minorité de plus en plus marginalisée. Car le naturisme vieillit, concernant aujourd’hui très majoritairement les 40-75 ans selon la Fédération naturiste catalane.

Pour ne pas perdre ses précieux derniers spots naturistes et attirer des pervers, Gabriel en est réduit à garder le secret : « On est obligés de ne pas recommander nos endroits naturistes à des amis car on a peur que le mot tourne. » Une catastrophe au sein d’une communauté qui s’illustre avant tout par sa camaraderie.

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