B. Giraud: Les diades passent et ne se ressemblent pas…

Equinox Magazine

Dans Tribune Libre, Equinox Magazine laisse ses colonnes à des personnalités de Barcelone ou d’Espagne, pour des réflexions sur toutes sortes de sujets et sans aucune censure.  Blandine Giraud est journaliste à Help Catalonia

Sauf peut-être ce que l’on voit dans les yeux des manifestants, l’espoir et les sourires illuminant les visages de petits et grands.

Elles sont néanmoins toutes sources d’émotion, voir un peuple uni luttant pour préserver son identité, sa langue, sa nation ne peut laisser indifférent, et comme tous les ans, j’ai eu la chair de poule, les larmes aux yeux de voir des générations se réunir de manière festive pour célébrer et revendiquer leur identité.

Le désir d’indépendance des Catalans est pacifiste, ils veulent être eux-mêmes, tout simplement.

La culture et la langue catalane ne datent pas d’hier loin de là, le premier texte littéraire connu les Homilies d’Organyà a été écrit au XIIème siècle, la diversité culturelle est une richesse pour l’humanité et non pas seulement pour les catalans. Vouloir être soi-même ne signifie pas être contre quelqu’un. Les Catalans veulent être Catalans pouvoir vivre librement en catalan, certes actuellement c’est assez aisé sauf avec l’administration espagnole et quelques exceptions qui ne méritent pas d’être citées. Néanmoins comme l’Histoire nous le rappelle, seul un État assure la survie d’une langue et d’une culture.

Les catalans veulent pouvoir décider de leur vie, de quel modèle de pays leur convient le mieux, parler d’égal à égal avec leurs voisins, décider quel système éducatif est le plus adapté à sa population, si État-providence ou État gendarme, décider de leurs lois et de leurs impôts, évidemment, bref être un pays à part entière.

Le fait que je sois Française et indépendantiste surprend toujours

Néanmoins, rien de bien étrange. J’habite en Catalogne, je suis vite devenue catalanophile en découvrant une langue et une culture d’une grande richesse, mais aussi un peuple ouvert, accueillant mais souffrant encore d’un cruel manque de confiance en lui (pour des raisons historiques et politiques, mais je n’entrerai pas dans les détails, il est facile de s’informer sur l’histoire de la Catalogne, même en français).

À mon arrivée à Barcelone, il y a 11 ans, pour un an, je me suis intéressée à mes voisins, à mes compagnons d’université, à la ville où je venais d’atterrir et puis au «pays» dont Barcelone est capitale. Lectures, discussions, réflexions, m’ont rapidement fait découvrir une situation politique dont on ne parlait pas en France, ni dans le monde, il y a 2 ans ! La cause me semblant juste, ma veine « combative » a repris le dessus et j’ai commencé à m’investir dans les associations pour la culture et la langue catalane, s’en suivit un rapide et intense passage en politique, pour finalement retourner il y a peu à la société civile. Actuellement, je collabore avec fierté à Help Catalonia (que je vous invite à découvrir en ligne), une équipe de bénévoles qui traduit des informations sur la Catalogne en cinq langues afin d’expliquer ce qui se passe ici au monde entier.

Ces derniers jours ont été fort remplis avec les médias venus couvrir la Diada tels que le Wall Street Journal, la télévision publique finlandaise, la BBC, le Figaro, Al Jazeera et j’en passe.

La manifestation à Barcelone du 11 septembre 2012 et ses 1.500.000 de manifestants venus de toute la Catalogne (et pour certains de l’autre bout du monde!) pour exprimer clairement leur volonté de pouvoir voter pour l’indépendance a été un premier coup d’éclat. La société civile a obligé les politiques à agir, à se presser, à sortir de leur vie pépère et à se mouiller ! Pas toujours facile pour un politique!

Cette année, l’ANC (Assemblée Nationale Catalane – une association représentant des milliers de catalans) avait mis la barre encore plus haut organisant une chaîne humaine pour l’indépendance à l’image de la voie baltique qui a eu lieu le 23 août 1989 en Estonie, Lituanie et Lettonie, premier pas à leur indépendance. 1,6 millions de personnes, selon le gouvernement, se sont données la main, serrés comme des sardines sur plus de 400km sur une, deux voire trois files à certains endroits pour montrer au monde que les Catalans veulent pouvoir exercer le droit d’autodétermination recueilli dans la Charte des Nations Unies depuis 1945.

Un geste pacifique dans un monde qui préfère les armes au dialogue dans de trop nombreux cas.

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