Ces anti-indépendantistes de droite qui veulent prendre le pouvoir en Catalogne

droite catalane

Dans le grand chamboulement politique en Catalogne et depuis que Convergencia, le parti d’Artur Mas et Carles Puigdemont, est devenu un mouvement indépendantiste, les électeurs de droite catalanistes sont orphelins. Un marché de 200.000 électeurs potentiels qui aiguisent les appétits de nouvelles formations. Décryptage.

Ils veulent que la Catalogne soit reconnue comme une région ayant une identité particulière et qu’elle bénéficie d’avantages particuliers au sein de l’Espagne. Ils ne veulent cependant pas aller jusqu’à l’indépendance totale et sont globalement allergiques aux positionnements politiques de gauche. Ce sont ce que l’on appelle « les catalanistes modérés » et ils seraient près de 200.000 en Catalogne. Un champ électoral laissé en jachère depuis l’implosion de Convergencia Democratica de Catalunya (CDC) le parti de centre-droit présidé par Artur Mas. Le mouvement touchait normalement la classe rurale catalane, « celle qui roule en 4×4, envoie ses fils à l’université et possède un grand centre commercial à deux minutes de la maison » écrivait le journaliste Francesc-Marc Alvaro dans son livre Ara sí que toca ! paru en 2003.

Le problème, c’est que le processus indépendantiste a vidé au moins la moitié de CDC. Les affaires de corruption de son fondateur Jordi Pujol ont clos l’histoire du parti qui a dû se rebaptiser en urgence Partit Democrata Europeu Catalan (PDeCAT). Les indépendantistes n’ayant pas réussi à obtenir une majorité absolue au parlement catalan en 2015, ils ont dû supplier le parti anti-capitaliste La Cup afin d’obtenir un semblant de stabilité parlementaire et continuer le processus séparatiste. Une alliance avec l’extrême gauche qui empêche le PDeCAT de sortir la tête de l’eau électoralement parlant. Alors que dans les années 90, CDC pouvait obtenir plus de 70 députés au parlement catalan, aujourd’hui selon les derniers sondages, il devrait se contenter d’une petite quinzaine.

La droite ultra conservatrice

Face à cette hémorragie sondagière, nombreux sont les impétrants qui veulent leur part du gâteau de la droite modérée catalane. Josep Duran i Lleida, chef du parti Unió, qui était le mouvement jumelé à CDC au sein de la coalition CiU, annonce son grand retour sur le devant de la scène.

Unió n’a jamais été indépendantiste mais avait trois ministres au sein du gouvernement d’Artur Mas lorsque celui-ci a organisé la consultation séparatiste illégale du 9 Novembre 2014. Un an plus tard, Duran retirait son soutien à Artur Mas, brisait la coalition CiU et a dû fermer son parti Unió criblé de dettes. Traître sans nom pour les indépendantiste, vieille gloire pour les autres, Duran essaie de revenir sur le tapis en parrainant un nouveau parti « Units per Avançar » (unis pour avancer) qui se présente comme catalaniste, humaniste et fédéraliste. Units per Avançar est en faveur d’organiser un référendum uniquement si Madrid donne son aval. Autrement dit, quasiment aucune chance à court ou moyen terme.

Units per Avançar pourrait tenter une OPA chez les centristes de Ciutadans (Cs). Un parlementaire de cette formation, interrogé par Equinox, ne semble toutefois pas inquiet : « Duran et ses amis, ce sont toujours les mêmes têtes du passé, ils ne représentent pas la nouvelle politique telle que nous l’incarnons, et puis de toutes façons il a organisé le référendum illégal du 9 novembre 2014, il n’a plus aucune crédibilité chez les non-indépendantistes ». Même son de cloche chez les indépendantistes qui sont restés au PDeCAT. « Duran c’est un cadavre politique, il aurait plus de chance de faire partie du casting de la prochaine saison de Walking Dead que de se faire élire au parlement » grince l’influent blogueur indépendantiste de droite Mark Serra. Si le parti Units per Avançar est dans la même veine que son ancêtre Unió, il devrait être très conservateur sur les thèmes de société en s’opposant à l’avortement et au mariage homosexuel entre autres.

La droite libérale

Autre option pour l’électeur modéré : « Lliures » (libres), ici aussi fondé par un revenant des années 90 : Antoni Fernández Teixidó, qui fut ministre de l’économie dans les gouvernements catalans CDC présidés par Jordi Pujol. Lliures se veut beaucoup plus libéral que Units per Avançar, se présentant comme un parti ouvertement business-friendly.

Antoni Fernández Teixidó a pour constat que la Catalogne est dans un cul-de-sac avec son processus indépendantiste, et qu’il est grand temps de renouer les liens (notamment financiers et entrepreneuriaux) avec Madrid. Pour les indépendantistes, Fernández Teixidó joue de nouveau à « la puta y la Ramoneta ». Cette expression catalane, extrêmement désagréable, servit pendant de longues années à décrire la politique de CDC qui essayait de jouer sur les deux tableaux : tenir des propos nationalistes devant le peuple catalan à Barcelone, et se coucher devant les puissants à Madrid pour obtenir des avantages pour son parti. Fernández Teixidó, qui possède pas mal de réseaux médiatiques, pourrait réussir à créer un buzz lors de la prochaine campagne catalane.

Enfin « Nova Convergencia » (la Nouvelle Convergencia) est le nom du mouvement de Germà Gordó, ancien conseiller de la justice catalan et bras droit d’Artur Mas. Difficile de dire ce que pense réellement cet homme.

Germa Gordó vient de se faire expulser du groupe de députés indépendantiste au parlement de Catalogne pour sa mise en cause dans une affaire de financement douteux du parti CDC, duquel il était trésorier dans les années 2000. « Gordó a voulu saboter le projet PDeCAT depuis sa création. Il représente ce modèle politique post-franquiste très opaque » tranche le blogueur Mark Serra. Bourré de réseaux à Madrid, Gordó n’a jamais critiqué le processus séparatiste publiquement, mais serait très actif en coulisse pour agir au bon endroit et au bon moment. Traduction : le jour où le processus indépendantiste capote, Gordó peut se présenter en sauveur de la situation. Mais pour l’instant il doit déjà gérer son actualité judiciaire.


Lire aussi : La tactique du gouvernement espagnol pour empêcher le référendum catalan


Il n’est toutefois pas à l’ordre du jour, officiellement, de convoquer des élections en Catalogne. Le prochain rendez-vous aux urnes est fixé au 1er octobre pour le référendum indépendantiste, non autorisé par Madrid. Si l’opération tourne mal, des élections anticipés pourraient avoir lieu avant la fin de l’année.

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