L’indépendance de la Catalogne, première cause de mortalité politique

Le processus indépendantiste est un rouleau compresseur. Conjugué aux crises existentielles de l’Europe et les mouvements de « dégagisme », le souverainisme catalan s’est converti en un grand cimetière politique.

En 2014, le centriste libéral Artur Mas, alors président de la Catalogne, prend la première décision qui marquera le début du processus indépendantiste : organiser unilatéralement une consultation populaire. Un ersatz de référendum pour savoir si la Catalogne devait devenir un Etat indépendant. Artur Mas écopera pour cette « consultation » d’une lourde amende avec la saisie de ses biens personnels, et d’une peine d’inéligibilité de 9 ans. Ce fut le début de la fin de la brillante carrière de l’homme fort de la droite catalane. Les affaires de corruption et l’animosité que lui voue l’extrême-gauche indépendantiste mettront un terme au parcours politique d’Artur Mas qui n’exerce plus aujourd’hui aucun mandat ni responsabilité.

Les membres de son proche cabinet de 2014 qui avait organisé la consultation populaire (la vice-présidente Joana Ortega, le porte-parole Francesc Homs et la ministre de l’éducation Irene Rigau), tous frappés d’inéligibilité, ont également disparu des radars.

Fin des hommes et des partis

En 2015, la coalition de centre-droit catalaniste Convergencia y Unio (CiU), présidée par Artur Mas et qui a dirigé  la Catalogne depuis le début des années 80, a explosé sous la pression du processus indépendantiste. Unió, composante de CiU et partenaire d’Artur Mas, a refusé de soutenir les plans de l’indépendantisme qui incluaient désormais la désobéissance frontale face à l’État espagnol. Vieux routard de la vie politique espagnole, le notable Josep Duran i Lleida a signé la fin de sa carrière en s’opposant aux indépendantistes radicalisés, son parti Unió (centenaire, un des plus anciens du pays) a disparu en même temps.

La frange de centre-droit catalaniste, extrêmement tiède sur la question de l’indépendantisme, a été reléguée aux oubliettes de l’histoire. Le puissant ministre de l’Intérieur sous Artur Mas (2010-2012) Felip Puig pourtant incontournable dans les réseaux locaux est aujourd’hui oublié. L’ancien ministre de la justice (2012-2016), homme de liens entre Barcelone et Madrid, Germà Gordó, a subi le même sort.

Le massacre après la déclaration d’indépendance

La période post-déclaration d’indépendance à l’automne 2017 a été le plus grand carnage de l’histoire politique moderne du pays. Il y a ceux qui sont en exil et tentent de continuer d’influer dans le jeu politique : Carles Puigdemont, l’ancien ministre de la santé Toni Comín, et celui de la Culture Lluis Puig vivent en Belgique et interviennent régulièrement dans les débats.

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L’ancienne ministre de l’éducation Clara Ponsati est retournée à sa vie d’enseignante en Irlande. Il en va de même pour l’ex-députée de la Cup Anna Gabriel qui donne des cours dans une université suisse. Un pays dans lequel réside également Marta Rovira, ancienne présidente du groupe parlementaire d’Esquerra Republicana pendant la déclaration d’indépendance. Ce deuxième groupe d’exilés intervient rarement dans le débat politique.

Prison et résurrection

Quant aux responsables politiques en prison, l’ancien vice-président Oriol Junqueras, les anciens ministre des Affaires étrangères Raul Romeva, de l’Intérieur Joaquim Forn, de l’industrie Josep Rull, des affaires sociales Dolors Bassa et le porte-parole du gouvernement Jordi Turull, ils pourront difficilement revenir au premier plan de la politique avec la menace de dizaines d’années de prison. Il en va de même pour l’ancienne présidente du parlement Carme Forcadell et les leaders associatifs Jordi Sanchez et Jordi Cuixart.

Cependant, dans le cas des exilés et des prisonniers, selon la direction dans laquelle souffleront les vents politico-judiciaires des prochaines années, ils pourraient bénéficier d’une résurrection. Si dans un futur plus ou moins lointain, ces hommes et ces femmes arrivent à revenir libres sur le sol catalan, un destin prestigieux les attend. Nous n’en sommes évidemment pas là pour le moment.

Il y aussi les ministres du gouvernement Puigdemont qui ne sont pas en prison, ni en exil, mais qui ont définitivement abandonné la vie politique. Le plus emblématique est probablement Santi Vila, ministre du commerce, que beaucoup voyaient embrasser le destin de président de la Catalogne ou de Maire de Barcelone. Il doit aujourd’hui se contenter d’un poste administratif au sein d’une compagnie des eaux catalanes. Le ministre de la justice Carles Mundo et la ministre de la famille Meritxell Borras, fille d’une illustre politicien, ont aussi claqué la porte de la vie publique.

La gauche de Podemos

Mais les décès politiques prématurés ne frappent pas que les indépendantistes. La branche locale de Podemos et ses leaders ont tous été décimés par les tiraillements de ce secteur de la gauche alternative qui n’arrive pas à choisir un positionnement stable entre défense de l’unité de l’Espagne et sécessionnisme.

Depuis 2015, les trois têtes du groupe parlementaire de la gauche radicale ont été décapitées  : Joan Coscubiela, Lluis Rabell et récemment le bras droit d’Ada Colau, Xavier Domenech. La maire de Barcelone semble pour le moment passer entre les balles. Un scrutin municipal compliqué l’attend en juin 2019, où son second mandat à la tête de Barcelone n’est pas du tout acquis.

A Madrid aussi

A Madrid, l’indépendance catalane a aussi drainé son lot de cadavres politiques. Mariano Rajoy et l’intégralité de son gouvernement ont été destitués en juin dernier. Certes, les affaires de corruption gangrenant la droite espagnole expliquent en partie la chute du gouvernement. Mais l’édifice conservateur s’est fissuré l’automne dernier. L’intelligentsia médiatique et politique de Madrid n’a pas supporté que le président Rajoy ne puisse empêcher le référendum. Avec la fuite de Carles Puigdemont en Belgique, l’Espagne a été ridiculisée internationalement.

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Les éditos anti-Rajoy dans la puissante presse conservatrice espagnole se sont multipliés. Les secteurs financiers n’étaient pas motivés pour continuer avec Rajoy. Beaucoup préféraient le discours identitaire musclé de Ciutadans. Sans ses soutiens vitaux, Rajoy et son gouvernement n’avaient plus les fondations assez solides pour supporter la crise de la corruption. Mariano Rajoy et sa vice-présidente Soraya Sanchez de Santamaria, selon certains commentateurs femme la plus puissante en Espagne depuis Isabelle la Catholique, sont aujourd’hui, eux aussi, à la retraite.

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