[REPORTAGE] Que veulent les étudiants qui campent au centre de Barcelone?

medecin français à Barcelone

Depuis mercredi 30 octobre, environ 1000 étudiants ont installé leurs tentes place Universitat, en plein centre de Barcelone. Quelles sont leurs revendications? Rencontre. 

Plusieurs dizaines de rangées de tentes, des pancartes avec des slogans révolutionnaires ou encore un air de guitare reprenant l´hymne de la Catalogne: bienvenue au campement de la « génération du 14 octobre » (date du verdict du procès des leaders indépendantistes). Depuis mercredi environ 1000 personnes, dont une majorité d’étudiants, dorment dans des tentes plaça Universitat. Cette mobilisation s’inscrit dans le mouvement de grève à durée indéterminée déclenchée mardi par les syndicats étudiants indépendantistes. Sur la place, la vie s’organise comme un véritable campement citoyen. Des bénévoles cuisinent quotidiennement des repas qui sont distribués à prix libre aux militants.

La cuisine organisée par les étudiants du campement. Les personnes présentes Plaça Universitat assistent à une conférence sur les mouvements anarchistes.

Tels des professionnels de la communication, les étudiants ont également installé un point presse. Des animations quotidiennes sont organisées avec des interventions d’universitaires ou de militants sur les thématiques des mouvement sociaux. Bien que le contexte soit totalement différent, la scène peut rappeler Nuit debout en France en 2016 ou encore Los Indignados à Madrid en 2011.

Si le verdict des leaders indépendantistes a été le départ de la contestation, celle-ci recouvre désormais un spectre plus large que l’indépendance. Le campement s’est peu a peu transformé en agora de la contestation sociale, mêlant revendications indépendantistes, sociétales et économiques.

Banderole contre les violences policières plaça Universitat.

Un campement pour la convergence des luttes

« Lors de l’assemblée générale le premier jour, on a tous expliqué pourquoi nous étions ici. Les revendications sont très diverses : écologie, féminisme, anti-racisme, et bien sûr pour certains l’indépendance. Au final ces luttes se rejoignent et s’inscrivent toutes dans la volonté d’abolir le fonctionnement de la société actuelle » explique Susana, 22 ans, étudiante en neuroscience qui campe depuis le premier jour sur la place. Assise sur le sol, en dégustant la paella préparée par les bénévoles, elle ajoute: « je ne suis pas du tout indépendantiste mais je me retrouve dans les arguments de ceux qui le sont. Au final nous sommes tous contre l’État fasciste espagnol. »

Julia et Susanna, Plaça Universitat.

Son amie Julia a terminé ses études de psychologie et ne partage pas tout à fait les mêmes idées:  » C’est une utopie de vouloir accéder à une société égalitaire et inclusive. Sans l’indépendance, cela n’est pas possible. »

Au milieu d’une rangée de tentes, un groupe de militants est assis en cercle autour d’une jeune femme qui, accompagnée de sa guitare, fredonne l’air du chant chilien « el pueblo unido jamás será vencido ». Après son petit concert improvisé, Jana 22 ans explique: « Je pense que notre mobilisation fait écho aux mouvements sociaux qui se déroulent un peu partout dans le monde en ce moment. On veut être solidaire avec toutes les personnes blessées et tuées dans les manifestations par les forces de l’ordre. »

Jana et ses amis plaça Universitat.

“On espère pouvoir rester au moins jusqu’aux élections”

Confortablement installé dans sa chaise de camping, Joe étudiant en deuxième année de psychologie explique: « Notre objectif n’est pas d’empêcher les personnes de voter pour les élections générales. Au contraire, nous défendons une démocratie directe où chacun à le droit d’exprimer son avis. Je vais moi-même voter dimanche. » L’organisation indépendantiste Tsunami Democratic a convoqué des manifestations samedi de 16h à 22h, soit pendant le jour de réflexion précédant les élections. Pour Joe, cette action sera une manière de « tenter de conscientiser les Barcelonais avant le passage aux urnes ».

A ses côtes, Sara 17 ans, ne peut pas encore voter et ne voit pas du même oeil les élections : « Même si je le pouvais, je crois que je ne voterai pas ou alors je voterai blanc. Je ne me sens pas représentée par les candidats et mon vote serait simplement utile pour contrer les candidats de droite. »

Les étudiants campent depuis le 30 octobre, plaça Universitat

Même si le vote ne fait pas l’unanimité au sein du campement, la plupart des activistes s’accordent à dire qu’il n’y aura pas de perturbations dans les bureaux de vote.

Quant à l’avenir du campement, là encore les avis sont partagés et incertains. Sara, la lycéenne indépendantiste explique: « nous espérons pouvoir rester au moins jusqu’aux élections du 10 novembre. Mais j’avoue que nous sommes tous un peu stressés concernant l’intervention des forces de l’ordre. Nous savons qu’ils ne vont pas nous dire « vous avez une heure pour partir » mais qu’ils vont probablement démanteler notre campement avec violence. »

La semaine devrait être décisive pour l’avenir du campement puisque les partis politiques Vox et Partido Popular (PP) organisent des meetings placa Universitat avant les élections du 10 novembre.

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