Inquiétudes et opacité autour des subventions aux Français de l’Etranger

medecin français à Barcelone

Le nouveau dispositif de subventions aux associations français de l’étranger (STAFE) mis en place en 2018 par le gouvernement Macron suscite interrogations et inquiétudes des élus locaux qui réclament davantage de transparence. 

« Le mandat du peuple, c’est aussi le mandat de la confiance et de la transparence » déclarait Emmanuel Macron le 10 octobre dernier devant le Parlement. C’est ce principe de transparence qui a amené les députés à supprimer la réserve parlementaire juste après les élections législatives de 2017. Cette enveloppe financière, distribuée par les parlementaires pour aider les projets et les associations de leur choix, était alors très critiquée en France. Le soupçon de clientélisme planait sur ces subventions. Mais pour les associations des Français de l’étranger c’était souvent le seul soutien financier de l’Etat. A donc été créé le fonds de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE), doté de 2 millions d’euros, soit 1,2 million de moins que la réserve des parlementaires de l’étranger.

« Cette réforme, sous prétexte de transparence, cache en fait de nouvelles économies, et un certain transfert du clientélisme du parlementaire vers les élus consulaires et le consul » affirme François Ralle Andreoli, élu à Madrid et membre du parti écologiste Equo. Car ce n’est plus un député ou un sénateur qui décide de l’octroi des subventions, mais le conseil consulaire de chaque circonscription. Un conseil à huis clos, composé d’élus locaux et présidé par le consul. La décision finale revient à une commission nationale, qui elle aussi se réunit à portes closes, à Paris.

Une transparence « à la carte »

Les conseils consulaires délibèrent en juin sur chacun des dossiers, leur attribuant une note sur des critères d’utilité pour la communauté française locale, de contribution au rayonnement de la France et de cohérence budgétaire. La plupart des consulats publient et expliquent le classement de leurs dossiers, d’autres, comme celui de Barcelone, s’y refusent catégoriquement. Contacté par Equinox, le consul général de France Cyril Piquemal a ainsi affirmé qu’il « risquait son poste » s’il révélait les évaluations des dossiers par son conseil consulaire alors que ces explications sont publiées en toute transparence sur le site du consulat de Los Angeles ou de Marrakech par exemple.

Un conseiller consulaire de Barcelone, opposé de longue date au gouvernement Macron et qui préfère garder l’anonymat, regrette que les élus ne soient pas davantage écoutés et que les attributions ne reflètent pas toujours les réels besoins locaux: « notre avis, à nous les élus de terrain, est purement consultatif, c’est le consul qui dirige les débats, et surtout c’est la commission à Paris, qui n’a aucune connaissance du terrain, qui décide en maître, sans rendre de comptes et sans appel possible ». 

ministere affaires étrangères paris

La commission nationale siège une fois par an au Ministère des Affaires étrangères

Une conseillère consulaire aux Pays-Bas, Hélène Degryse, s’interroge également sur ce manque de transparence. Dans une tribune publiée sur le site LesFrançais.press sous le titre Dispositif STAFE : nébuleuse transparence, elle déplore l’absence de compte-rendus et de motivations des décisions, ainsi que la préférence accordée aux associations les plus importantes.

Les petites associations moins aidées

En  2019, plus de 38% de l’enveloppe allouée par le STAFE le fut à des établissements scolaires du réseau français (AEFE) ou leurs associations de parents d’élèves, des alliances françaises, des chambres de commerce et des organisations internationales de Français à l’étranger. Des structure solides donc, et surtout habituées aux méandres de l’administration française, contrairement aux petites structures locales. Avec la réserve parlementaire, le député, qui connaissait bien les associations de sa circonscription, attribuait sans beaucoup plus de formalités son enveloppe. Désormais l’association doit remplir un dossier complexe et bien respecter tous les critères techniques, sous peine de voir sa demande totalement rejetée.

A la commission nationale toutefois, on se défend de rendre des décisions arbitraires. « Les dossiers sont étudiés pendant plusieurs mois, et nous avons parfois nous-même récupéré des projets de petites associations écartés par les conseils consulaires » raconte Françoise Conestabile, élue à Lisbonne et membre de la commission à Paris, qui reconnait par ailleurs que le système comporte quelques failles. « C’est un dispositif qui été mis en place de manière très rapide il y a deux ans, et il y a encore des choses à améliorer, ce n’est pas normal que la publication des choix des conseils consulaires soit à la discrétion de chaque consul » indique-t-elle.

La députée des Français de la péninsule ibérique Samantha Cazebonne (LREM), fervente défenseure de la suppression de la réserve parlementaire, admet aussi qu’il faut revoir certains mécanismes. « Ce qui me déplaît, c’est qu’on a voulu avec la fin de la réserve parlementaire neutraliser l’impact clientéliste, ce qui est bien, […] mais les remontées que j’ai démontrent qu’assez fréquemment les dossiers qui sont retenus sont soutenus par certaines associations qui ont un lien direct avec les décideurs, il faut donc être vigilants » a-t-elle déclaré à nos confrères du Petit Journal.

En réaction à de nombreux messages d’élus, le sénateur Robert del Picchia s’est emparé du dossier et a saisi mi-novembre Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. « L’absence de transparence en matière d’attribution de subventions publiques et l’atteinte à la publicité des débats au sein d’un organe composé de membres élus m’interpelle au plus haut point » écrit le parlementaire, qui s’inquiète également que les structures les plus petites et les plus vulnérables soient les moins aidées. Un mois plus tard, il n’avait toujours pas reçu de réponse.

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