Loi travail en Espagne, Pedro Sanchez se tire une balle dans le pied

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Le Premier ministre Pedro Sanchez a tenté un coup politique, dans le dos de ses ministres, et se retrouve dans une impasse. Une tentative d’abrogation de loi travail modifiant le code du travail a mis le feu et poudre et met en péril le futur du gouvernement espagnol.

On a rarement vu un fiasco politique de cette ampleur. En deux heures, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a réussi à braquer contre lui les partenaires sociaux, ses alliés indépendantistes catalans (ERC), ses amis nationalistes basques (PNV). Le chef du gouvernement a également souffert d’une menace de démission de sa vice-présidente et ministre de l’économie, a redonné du poil de la bête à l’opposition de droite, et a fragilisé le futur de son gouvernement en plein plan de déconfinement. En mettant le doigt dans la reforme de la loi du travail votée par les conservateurs en 2011, le Premier ministre a tenté un coup politique qui lui a explosé au visage. Retour sur la genèse de ce vaudeville.

Des libéraux à l’extrême-gauche

Mercredi matin 9h, le parlement espagnol se réunit pour voter la nouvelle prolongation de l’etat d’urgence. Un décret qui s’est négocié dans la douleur. Radicalisée par les secteurs économiques qui veulent mettre fin le plus rapidement possible à la quarantaine pour relancer l’activité, l’opposition de droite a annoncée depuis une semaine un vote défavorable au prolongement de l’état d’exception. Au nord du pays, les indépendantistes catalans ne soutiendront pas non plus le texte, jaloux des prérogatives que l’état d’urgence retire au gouvernement catalan.

Pedro Sanchez qui annonçait en janvier dernier avoir formé le gouvernement le plus progressiste de la démocratie espagnole est obligé d’accepter les voix des libéraux de Ciudadanos pour trouver une fragile majorité pour voter le nouveau décret d’état d’urgence. Pour ne pas être accusé de « droitisation », le socialiste Sanchez va tenter le coup du siècle. Négocier en cachette -sans même en avertir ses ministres- une abrogation de la loi travail votée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy en 2011. Pour gauchir son image et faire oublier le vote de Ciudadanos, Sanchez va présenter l’abrogation de la loi travail en signant un accord avec l’extrême-gauche indépendantiste, le sulfureux parti Bildu accusé régulièrement de sympathie envers l’ancien groupe terroriste ETA. À partir de l’annonce de cet accord la tempête secoue sol, murs et plafonds de la Moncloa, le Matignon espagnol.

Menace de démission

La vice-présidente et ministre de l’économie, Nadia Calviño menace immédiatement de démissionner. Le parti socialiste (PSOE) a toujours annoncé une modification et une amélioration des points les plus controversés de cette loi travail. Par exemple supprimer la possibilité de licenciement en cas d’arrêt maladie. Cependant selon la puissante ministre Calviño il n’a jamais été question d’abroger cette loi qui est soutenue par l’Union Européenne et qui dévaluerait immédiatement la note espagnole émise par les agences de notation.

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Le CEOE, équivalent ibérique du Medef est hystérique et rompt sans délai le dialogue social avec le gouvernement. Malaise au sein du ministère du travail qui avait laborieusement noué des accords avec le syndicat patronal pour la gestion du chômage partiel provoqué par le coronavirus. Le parti socialiste est sous le choc, autant les ministres que les barons régionaux de cet accord avec les extrémistes de Bildu et dans un tempo compliqué marqué par l’urgence sanitaire. En trois heures, les socialistes émettent un communiqué pour défaire l’accord : il n’y aura finalement pas d’abrogation de la loi travail. Ce qui va entraîner le second acte de cette « tragi-comédie » politique.

Accusation de trahison

Le vice-président en charge des affaires sociales du gouvernement et chef de la gauche radicale Podemos réagit dans une interview radio avec une citation latine : Pacta sunt servanda (la signature engage). En d’autres termes si Pedro Sanchez a signé l’abrogation de la loi travail il doit s’y confirmer. Une sortie du vice-président Iglesias jugée comme un acte particulièrement déloyal par les socialistes. Le gouvernement de coalition PSOE-Podemos  prend l’eau et a perdu ses soutiens parlementaires.  Les nationalistes basques de droite du PNV estiment que les socialistes ont donné des ailes à l’extrême-gauche locale Bildu à deux mois des élections dans la région. La colère du parti qui soutenait jusque ici le gouvernement est majeure. La gauche indépendantiste catalane, pourtant favorable à l’abrogation de la loi travail, ne comprend pas pourquoi elle n’a pas été mise dans la boucle. Les syndicats ouvriers sont exaspérés du volte-face. Les petits entrepreneurs déjà stressés par la situation dramatique de l’économie ne comprennent pas non plus la précipitation du gouvernement à vouloir détricoter le code du travail en plein déconfinement et réouvrir les commerces. Enfin, la droite du Partido Popular se retrouve légitimé dans son projet de tenter une convocation d’élections anticipées à l’automne prochain pour affronter la crise economico-sociale. Pedro Sanchez passe le pire jour de sa vie politique.

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